Lu pour vous dans EL WATAN
le 20.02.11
Malgré l’imposant dispositif policier
Ils étaient là…
Loin de faiblir, la mobilisation pour le changement et la démocratie a franchi un nouveau cap. Hier à Alger, la manifestation à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a tenu presque toutes ses promesses, n’était l’armada de CNS déployée sur la place du 1er Mai d’où devait démarrer la marche. Une vraie marée bleue. Un véritable état de siège.
Une nouvelle fois, la capitale est interdite aux manifestants. Armés de matraques et de boucliers, l’impressionnant appareil policier mis en place dès la matinée a bouclé de long en large le lieu de la manifestation, rendant impossible tout rassemblement. Les groupes de manifestants qui ont pu atteindre les alentours de la place du 1er Mai étaient repoussés vers la rue Mohamed Belouizdad, à proximité du ministère de la Jeunesse et des Sports. Vaillants, femmes et hommes, sous la conduite de l’emblématique Ali Yahia Abdennour, accompagné du président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, Mostefa Bouchachi, du SG du Snapap, Rachid Malaoui, de parlementaires du RCD et autres animateurs de la CNCD, forment leur carré et brandissent des «cartons rouges» contre le pouvoir.
Scandant les classiques slogans «Pouvoir assassin», «Système dégage», et «Le peuple veut la chute du régime», ils bravent courageusement l’impénétrable cordon policier. Au milieu de la foule, des figures marquantes de l’opposition. On pouvait remarquer la présence des anciens responsables du Front des forces socialistes Mustapha Bouhadef, Ali Kerboua, Djamel Zenati. Dans l’impossibilité de marcher, la foule persiste à tenir son rassemblement.
«Pas question de reculer, le déploiement policier nous ne fait pas peur, nous allons jusqu’au bout pour le changement de ce régime corrompu», a tonné un jeune à la face des policiers qui tentent de le neutraliser. Visiblement plus nombreux que les manifestants, les éléments des forces de l’ordre «saucissonnent» les troupes de la CNCD, créant une pagaille générale, notamment avec l’entrée en scène de quelques «anti-manifestants». Dans cette confusion, la police charge. Belaïd Abrika est violemment pris à partie par des policiers. A quelques mètres de là, Me Mostefa Bouchachi est sérieusement malmené, alors que le SG du Snapap, Rachid Malaoui, perd connaissance sous la pression exercée sur lui par des policiers.
Le député du RCD, Tahar Besbas, a été sérieusement blessé ; en tombant à la renverse, son crâne a percuté le trottoir et il a perdu connaissance. L’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour et Ali Haroun, venus exprimer leur solidarité au mouvement, assistent, impuissants, à la violence avec laquelle les forces de police enserrent les marcheurs. Dispersés par la force, les manifestants n’arrivent pas à se regrouper. Profitant de cette confusion, des individus «étrangers» à la manifestation s’incrustent et menacent d’agresser les contestataires. Moumen Khelil de la LADDH, échappe à une agression à l’arme blanche par trois individus. Tout cela sous le regard indifférent des policiers.
Le climat devient très tendu lorsque quelques habitants du quartier de Belouizdad viennent exprimer leur opposition aux protestataires. Arborant des portraits de Bouteflika, ils clament : «Bouteflika demi Ouyahia !» Quelques habitants de Belouizdad, hostiles à l’organisation des marches dans «leur» quartier font tout pour chahuter la marche. Le porte-parole du Comité national des chômeurs, Samir Larabi, a dit son regret de voir la place du 1er Mai, qui était jadis «un haut lieu des luttes politiques et sociales du pays devenir une houma». «Nous sommes tous dans la même situation. Le pouvoir exploite la misère des gens et tente de monter les uns contre les autres dans le but de se maintenir.
Tôt au tard, ce système doit tomber pour permettre l’instauration de la démocratie et de la justice sociale d. Au-delà des divergences qui peuvent exister entre les différentes tendances politiques, nous devons être à la mesure de la gravité de la situation. Les forces sociales et politiques sont sommées d’engager un débat sérieux pour solder les clivages et mettre en place une nouvelle stratégie pour soulever les masses», fait remarquer un enseignant syndicaliste.
En somme, au-delà de la polémique autour des chiffres, le second samedi de la colère a montré, une nouvelle fois, le caractère répressif du régime. Mais il interpelle également l’opposition sur le long travail qui l’attend.
le 19.02.11
Marche de la coordination pour le changement et la démocratie
Alger sous les projecteurs du monde
La capitale est sous les feux des projecteurs des médias étrangers. Une quarantaine en tout couvre la deuxième marche de
la Coordination pour le changement et la démocratie (CNCD). Un déploiement impressionnant de régiments surarmés de CNS encerclent Alger depuis plusieurs semaines.
Les yeux du monde, de nouveau, rivés sur Alger, suspendus à son potentiel révolutionnaire. Une marche pacifique aux allures de «quitte ou double» vertigineux s’ébranlera aujourd’hui, place du 1er Mai à Alger (à 10h) vers la place des Martyrs. Sous haute tension. Sous les feux des projecteurs des médias étrangers, une quarantaine en tout, qui couvrent la deuxième marche en moins d’une semaine de la Coordination pour le changement et la démocratie (CNCD). L’épreuve de force entre un régime monolithique avançant en rangs serrés et une opposition diffuse et éparse s’annonce des plus incertaines. Périlleuse même. Et pour cause ! Le déploiement impressionnant de régiments surarmés de CRS encerclant la capitale depuis plusieurs semaines, la propagande du «pouvoir», tournant à plein régime n’augure rien de bien réjouissant. Jeudi, à la veille de la marche, certains canards déchaînés de la presse pro-baltaguias n’ont pas hésité à relayer des appels de lynchage de manifestants et autres attitudes grégaires.
Les enjeux sont énormes. De l’issue de la marche d’aujourd’hui dépendra non seulement l’avenir de la CNCD mais aussi et surtout déterminera le devenir de la dynamique (jusque-là) pacifique pour le «changement de système», pour la démocratie et la «justice sociale», amorcée dans le sillage des révolutions tunisienne et égyptienne. Hier, lors de la dernière réunion «technique» de la CNCD, on affichait résolument ses «bons espoirs», sans baigner pour autant dans un trop plein d’illusions. Samir Larabi, porte-parole du Comité national pour la défense des droits des chômeurs dit espérer que la mobilisation soit «meilleure» que celle observée lors de la marche avortée du 12 février dernier et un «effet d’entraînement» qui imposera de lui-même le «changement».
Les membres de la CNCD anticipent tous les scénarios possibles et imaginables avec une pointe inavouable de scepticisme. De l’humour aussi. «La marche de demain (aujourd’hui) est déjà un succès dès lors qu’elle a réussi à faire sortir dans les rues de la capitale et avant l’heure 30 000 Algériens habillés en bleu», affirme Amine Menadi, du Collectif Algérie Pacifique dans une allusion au nombre de CRS mobilisés pour réprimer la marche.
Le «retard à l’allumage» qui caractérise la «rue» algérienne ne décourage pas outre mesure les animateurs de la CNCD : ces derniers misent sur la «spontanéité» des jeunes Algériens, «seuls véritables acteurs du changement». Sur l’éclosion des collectifs autonomes. «Même si nous n’avons pas su travailler dans le sens d’une meilleure mobilisation, nous avons quand même de l’espoir», répond le syndicaliste Idir Achour, porte-parole de la Coordination des lycées d’Algérie. Les soulèvements populaires au Bahreïn, au Yémen et tout récemment en Libye exhortent, selon lui, les Algériens à aller de l’avant. «Et ce, en dépit, ajoute-t-il, de la propagande officielle ; du travail de sape des services de sécurité qui ont fait du porte-à-porte pour dissuader les Algériens de se joindre au mouvement. Nous avons quand même bon espoir : surtout que maintenant ce ne sont désormais plus les structures politiques classiques qui sont en tête du mouvement, mais ce sont bien les mouvements de jeunes ; des étudiants qui viennent de rejoindre la coordination, les chômeurs, les cadres…»
Yacine Zaïd, syndicaliste, membre de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), abonde lui aussi dans le même sens. Il table sur la «spontanéité» de la jeunesse algérienne. «Ce sont les jeunes qui trancheront. Et lorsque les jeunes se mettront en mouvement, et ils le feront avec ou en dehors de cette coordination, aujourd’hui ou demain, le régime réalisera alors toute la vanité de son arsenal répressif et regrettera d’avoir interdit et réprimé des marches pacifiques.» La marche du 19 février, une fin en soi ? Non, rétorque le député RCD Tahar Besbès. «Ce n’est qu’une étape, dit-il, du long combat pour le changement et la démocratie». Le député, membre de la CNCD se dit «optimiste quant à l’adhésion massive des Algériens. La dynamique du 12 février est en marche. Elle crée déjà l’effet boule de neige et suscite l’engouement populaire».