Algérie, une seconde révolution? (36)

20 septembre 2011

Lu pour vous dans EL WATAN

le 20.09.11

Algériens établis en France et au Québec

Un émigré sur deux est une femme

Un émigré sur deux serait une femme, selon le très sérieux Institut des statistiques économiques et sociales français INSEE. La tendance a, certes, commencé dans les années 1970 avec les regroupements familiaux qui, avec l’arrivée sur le sol français des épouses d’émigrés, ont au minimum doublé la population émigrée féminine.


L’insécurité, qui avait prévalu en Algérie durant les années 1990, et la mauvaise gouvernance du pays, qui en avait suivi durant la décennie 2000, feront exploser le taux de féminisation de l’émigration qui passera d’environ 36% en 1982 à 51% aujourd’hui, selon ce même institut. Le même phénomène serait perceptible au Québec, selon la sociologue Myriam Hachimi Alaoui, qui a publié à ce sujet une intéressante étude dans la revue NAQD (n°28). Selon l’auteure qui y a effectué des investigations très poussées, le Québec est devenu une terre d’asile pour des milliers d’Algériennes pour la plupart hautement diplômées et politiquement impliquées dans divers processus de lutte, fuyant seules ou en famille les persécutions des islamistes et, dans certains cas, des services de sécurité algériens.

L’on apprend alors que l’Algérie a certes perdu des dizaines de milliards de dollars en destruction de tous genres, mais aussi et surtout une partie non négligeable de sa classe moyenne constituée de femmes et d’hommes de grande valeur intellectuelle et professionnelle. Les exilés en question faisaient partie, précise l’auteure de l’étude, de l’élite intellectuelle francophone partageant le sentiment de faire partie d’une même génération historique ayant la particularité d’avoir fait leurs études en français, de disposer de diplômes de l’enseignement supérieur qui leur avaient ouvert la voie à de valorisantes carrières professionnelles au temps des programmes de développement des années 1970 et 1980 et de hauts cursus universitaires au sein d’une université d’Alger en ce temps-là encore auréolée de prestige.

Ce sont ces milieux intellectuels au sein desquels de nombreuses Algériennes diplômées militeront sur la base d’idéologies laïques pour diverses causes (émancipation, lutte pour l’abrogation du code de la famille, reconnaissance de la culture berbère, etc.) qui fourniront, lorsqu’elles seront confrontées à armes inégales aux terroristes islamistes et aux intrigues des services de sécurité algériens, le gros des cohortes d’exilés, parmi lesquels de nombreuses femmes qui prendront principalement la direction de la France et du Canada français (Québec).

L’investigation menée par Myriam Hachimi Alaoui auprès des Algériennes exilées montre à l’évidence que ces dernières étaient pour la plupart engagées à des degrés divers dans des mouvements d’émancipation, depuis celles qui en furent les initiatrices (responsables et cadres des organisations ) à celles qui ont été ponctuellement présentes aux nombreuses «marches des femmes» organisées dans les grandes villes d’Algérie pour contrecarrer la montée de la mouvance islamiste et dénoncer les actes d’intolérance qui se multipliaient souvent avec la complicité de certains cercles du pouvoir. Grâce aux réseaux sociaux qu’elles entretiennent avec de nombreux acteurs politiques, voire certains responsables des services de sécurité, elles apprennent très vite le degré de danger qu’elles encouraient, aussi bien auprès des militants islamistes qui les avaient repérées et mises sur la liste des personnes à abattre, que de celle des services de sécurité qui leur reprochaient leur excès d’activisme.

La liste de ces fauteuses de troubles était d’autant plus facile à établir qu’elles faisaient, depuis longtemps déjà, l’objet de surveillance pour celles qui participaient à des activités au sein de l’UNEA, aux volontariats de la Révolution agraire, à la défense des droits de l’homme au sein des toutes premières associations ou au sein d’organisations réputées proches des partis communistes (PAGS) ou trotskyste (PRS). Elles étaient de ce fait faciles à «cueillir», selon le jargon policier.

«Craignant pour leur vie ou celle de leurs proches, inquiètes pour l’avenir de leurs enfants ou ne supportant plus le statut d’infériorité et la pression auxquels elles étaient soumises, ces femmes ont pris le chemin de l’exil souvent dans la précipitation, principalement, à destination de la France et du Québec», constate, à juste titre, l’auteure de l’enquête. Il est vrai que le Canada, particulièrement sa contrée francophone du Québec, constituait pour ces candidates à l’exil une terre d’accueil privilégiée dans la mesure, contrairement à la France où le processus est plus long, elles pouvaient bénéficier de la protection du statut de réfugiées.

Pour pouvoir intégrer le monde du travail, nombre de ces exilées, y compris celles bardées de diplômes et d’une solide expérience professionnelle, ont dû commencer par accepter des emplois dévalorisants avant que le temps, l’aide des réseaux, amis aussi et surtout la reconnaissance de leur valeur professionnelle intrinsèque n’arrangent progressivement les choses.

La seule ombre au tableau relevée par la sociologue concerne la dégradation des relations conjugales entre nombreuses de ces exilées – qui découvrent en France et au Canada l’idéal de vie en faveur duquel elles avaient milité en Algérie (égalité entre hommes et femmes, émancipation sociale, etc.) – et, certains maris, restés arc-boutés sur des stéréotypes patriarcaux révolus depuis longtemps dans ces pays d’accueil. Les divorces et autres drames familiaux liés à l’abandon des archaïsmes patriarcaux sont de ce fait très nombreux.

Les Algériennes exilées, désormais protégées par les législations française et canadienne très favorables aux femmes, disposent en effet de moyens légaux pour lutter contre les archaïsmes patriarcaux dont leurs époux, «formatés» par la tradition machiste algérienne ont du mal à se défaire. D’où le grand malaise vécu par ces familles exilées, dont l’auteure décrit avec force détails les déchirements poignants et, à bien des égards, souvent dramatiques pour leurs enfants.

Nordine Grim

Lu pour vous dans EL WATAN

le 20.09.11

Selon une étude de l’office national des statistiques (ons)

«95% des femmes qui travaillent sont célibataires»

à chaque fois qu’il y a des changements qui s’annoncent ou des mutations qui s’opèrent dans la société, la femme revient sous les feux de la rampe pour occuper les devants de la scène politique et médiatique.

En effet, à la faveur des dernières réformes, il est exigé désormais des états-majors politiques la présence de 33% du nombre de femmes sur les listes électorales, faute de quoi celles-ci seront rejetées. Cette situation remet sur le tapis le débat lancinant sur le rôle de la femme dans la société algérienne. Avec en toile de fond, sa place au sein de la population globale, sa moyenne d’âge, le niveau scolaire et d’instruction, le taux de chômage, les postes de responsabilité qu’elle occupe. Même si les statistiques officielles ne sont pas légion et se font rares, et même si le rôle de la femme dans la société s’est accru considérablement dans divers domaines et plusieurs secteurs d’activité, il n’en demeure pas moins qu’elle est loin de prétendre à l’égalité et la parité qu’on lui fait miroiter à l’occasion des conjonctures dédiées spécialement à cet effet. Quelques rapports réalisés dans ce sens confirment cette tendance.

Ainsi, l’Office national des statistiques (ONS), dans une étude réalisée en 2010, fait ressortir que durant le dernier trimestre de 2009, seulement 9,4 millions d’Algériens travaillent sur une population de 35,6 millions. Parmi ces travailleurs, 84,7% sont des hommes contre 15,3% de femmes. Quant au taux de chômage, il est de 8,6% pour les hommes et plus de 18,1% pour les femmes. Dans le secteur du textile, on recrute plus de femmes que d’hommes, elle y est fortement représentée. En revanche, le secteur du BTP est le parent pauvre dans ce domaine avec la présence d’une femme sur 54 hommes. Il est à noter par ailleurs que la catégorie des femmes actives se trouve particulièrement dans les villes, avec plus de 81% de salariées vivant en milieu urbain. La particularité de ces dernières est qu’elles sont jeunes (elles ont entre 25 et 29 ans en majorité) et sont diplômées, cependant à poste égal, la femme a un niveau d’éducation bien meilleur.

D’un autre côté, le rapport fait état que 55% des femmes qui travaillent sont célibataires, n’ayant pas d’autre choix que d’occuper un emploi pour survivre. Par ailleurs, une étude consacrée à la période 2008-2009 et réalisée par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) dénombre 3,2% seulement du total des femmes chefs d’entreprise.
Par ailleurs, la ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine, Nouara Saâdia Djaffar, avait déclaré, en janvier dernier, en marge d’une journée d’information sur la condition féminine en Algérie, que la femme «n’occupe que 10% des postes de responsabilité en Algérie». En 2010, le département de Mourad Medelci a procédé à la nomination de quatre femmes sur 27 «postes diplomatiques», ce qui a porté leur nombre à sept femmes diplomates. Ceci a été qualifié à l’époque de «première» dans les annales de la diplomatie algérienne, même si cette «avancée» était jugée «insuffisante».

Les organisations féministes, à l’instar de l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA), estiment que le rôle de la femme dans le domaine politique demeure «timide». Les femmes parlementaires pour le compte de la mandature 2007 représentent à peine 6% de la composante du Conseil de la nation et 3% à l’APN.

Meziane Cheballah

Previous post:

Next post: