Algérie, une seconde révolution?

20 janvier 2011

Lu pour vous dans EL WATAN

L’Algérie, «un pays malheureux»

le 05.12.10 | 03h00
Le journal libanais Al Akhbar a publié, sur son site internet, quelques-uns des câbles, classés, «secret», concernant l’Algérie. Même s’il n’est pas précisé la manière dont le journal a pu obtenir ces documents, ils présentent toutes les caractéristiques dont sont dotés les câbles publiés directement sur WikiLeaks.
C’est un bien triste tableau de l’Algérie que dresse l’ambassade US à Alger, à la veille de la visite du secrétaire d’Etat à Alger. Dans ce câble écrit alors que l’amendement de la Constitution se profilait afin de permettre à Abdelaziz Bouteflika de briguer un 3e mandat, l’Algérie est décrit comme «un pays malheureux». «Il y a beaucoup de discussions dans les milieux politiques sur la Constitution, le troisième mandat et les questions de succession, mais il n’y a que peu de discussions, précieuses, sur la façon de traiter l’aliénation politique de longue date et le mécontentement social dans tout le pays», explique l’ambassadeur. Ce dernier dresse ensuite une longue liste d’indicateurs, logement, chômage, inflation, qui ne peut que conduire de larges pans de la société à la contestation.

Wikileaks : Les jeunes Algériens  » entre Hogra et Harga »
Dans un câble diplomatique classé « confidentiel », révélé par Wikileaks et daté du 13-07-2008, Thomas Daughton, le numéro deux de l’ambassade des Etats-Unis à Alger du temps de Robert Ford, est revenu sur le phénomène de la « Harga ». Le diplomate américain s’est carrément déplacé à Annaba pour voir de près comment les Harragas commencent leurs mésaventures sur les plages de Sidi Salem et La Caroube, principaux lieux de départ des embarcations de fortune en partance pour la rive sud de l’Europe.
En avril 2008, sur la plage de Sidi Salem, Thomas Daughton a parlé à des jeunes Algériens qui se préparaient à tenter la « Harga ». Le diplomate américain a noué avec les jeunes Harragas Algériens un dialogue franc et étonnant au cours duquel il tentait de cerner les contours de ce phénomène complexe qui sidère l’Occident.
Thoms Daughton a fait remarquer dans ce câble, en s’appuyant sur ses propres observations, que des « policiers présents sur la plage de Sidi Salem » se contentaient de « regarder les Harragas en les laissant préparer leurs embarcations » !
Le diplomate américain s’est renseigné également sur deux « cafés miteux », situés à proximité de cette plage mythique pour les harragas, où les passeurs négociaient avec les candidats à la « Harga » des voyages à partir de 50.000 DA. Thomas Daughton rapporte à ce propos que les deux postes de police qui surveillent cette plage sont parfaitement au courant de ce trafic, mais n’agissent nullement pour empêcher les Harragas de prendre le large !
« Nous ne sommes pas la Police des Frontières et ces jeunes ne nuisent pas à la sécurité », se justifient des policiers qui se sont confiés sans ambages au diplomate américain. A la plage La Caroube, Thomas Daughton a discuté aussi avec des jeunes désœuvrés qui peaufinent tranquillement leur « Harga ».
Ces jeunes lui ont confié toutes les étapes à suivre pour rallier la Sicile lors d’un voyage qui peut durer de « 12 heurs à 48 heurs », « selon la météo », lui ont-ils précisés. Poussant encore plus loin ses investigations, Thomas Daughton a fait observé que toutes les couches sociales sont touchées par « la harga » à Annaba. Diplômés, médecins, ingénieurs, chômeurs, fils de familles riches, « tout le monde a tenté au moins une fois de quitter l’Algérie par la mer », souligne-t-il.
A ce titre, Thomas Daughton a révélé que « le petit-fils de l’ancien président Chadli Bendjedid, Mourad Bendjedid, 29 ans, a quitté le pays, par la mer, le 8 Février 2007, avec six autres jeunes hommes, et n’a pas été retrouvé depuis » !
Lors de ses entrevues à Annaba avec des avocats et des représentants de l’association des parents de harragas disparus, l’ex numéro deux de l’ambassade US à Alger relèvera que la corruption, le népotisme, l’absence des espaces de détente et de liberté, sont les principales raisons qui poussent la jeunesse Algérienne à mettre en péril sa vie dans des embarcations de fortune.
« Pris entre hogra et harga », souligne Thoms Daughton, les jeunes Algériens sont livrés à la mort en haute mer. Quant au gouvernement Algérien, il ne sait tout simplement « plus quoi faire sur cette question ». Pis encore, il tente même d’instrumentaliser cette détresse pour des fins politiques, fait observer ce câble diplomatique.
En effet, Thomas Daugthon explique également dans ce câble comment Djamel Ould Abbès a tenté de récupérer les jeunes Harragas lors de sa visite à Tiaret en juillet 2007. A l’époque ministre de la Solidarité Nationale, Ould Abbès s’est réuni à Tiaret avec des représentants des jeunes harragas pour leur demander « de signer une déclaration de soutien au président Bouteflika » en contrepartie d’une subvention de 400 mille DA !
Blessés dans leur honneur, les jeunes harragas ont « encerclé la maison de Ould Abbes avec l’intention de le prendre en otage », assure le diplomate américain qui cite plusieurs sources pour affirmer cette information. « Lorsque le ministre a eu vent de cela, il a quitté Tiaret avant l’aube, plus tôt que prévu, et s’est précipité pour partir à Alger », souligne encore à ce sujet Thomas Daughton.
Abderrahmane Semmar

Lundi 6 décembre 2010
A la une Actualité

Ces jeunes qui font bouger l’Algérie

Ils sont jeunes et viennent de toutes les catégories sociales. Étudiants, lycéens, fonctionnaires, chômeurs, enseignants, médecins, délégués médicaux et autres ont uni leurs efforts pour une seule cause : libérez Mohamed Gharbi (LMG), une phrase devenue d’ailleurs leur slogan.

Depuis plusieurs semaines, ils sillonnent les grandes artères de la capitale, vêtus d’un tee-shirt marqué «Libérez Mohamed Gharbi», pour taguer les murs et façades et occuper les grandes places publiques, pour mener des freez, c’est-à-dire des actions éclair, au cours desquelles ils hissent des pancartes appelant à la libération de Gharbi. Plein de motivation, Khaled fait partie de ce groupe très dynamique qui a su donner au militantisme une forme plus moderne et plus porteuse. «Rapportée par certains journaux, l’histoire de Mohamed Gharbi nous a beaucoup touchés. Nous étions quelques copains et nous voulions apporter notre soutien et notre solidarité, mais tout en étant sûrs que la famille exprime ce besoin», dit-il. Le groupe contacte le fils de Gharbi qui leur fait part de «la situation de détresse» dans laquelle vit la famille.

Les jeunes tissent une véritable toile de solidarité à travers facebook, mais également dans les cafés, restaurants et réfectoires des universités. L’intérêt s’élargit et les questions sur Gharbi inondent les forums et retiennent l’attention du petit noyau fondateur. «Nous avons décidé de faire un déplacement à Annaba et à Souk Ahras pour faire un reportage. Nous avons découvert que Mohamed Gharbi n’était pas un simple moudjahid ou un simple patriote. Tous les témoignages recueillis dans sa ville natale le présentent comme un homme de terrain qui porte le drapeau dans son cœur. Il a perdu ses parents, morts dans un bombardement, à l’âge de 12 ans et rejoint le maquis alors qu’il n’avait que 17 ans. Sa vie a été un enfer. Nous lui avons consacré un reportage émouvant de 15 minutes durant lequel nous avons lu la lettre qu’il a écrite dans sa cellule et adressée à son ami. C’était un véritable SOS. Il avait appelé ses proches à venir assister à son dernier jugement de 2008, à l’issue duquel il a été condamné à la peine capitale et les a sommés de prendre soin de la patrie, avant de clore avec des ‘‘Vive l’Algérie et vive les martyrs’’ ».

Mis en ligne, le reportage suscite la compassion et le soutien de nombreux jeunes qui ont rejoint LMG, chacun avec ses moyens propres. Ils sont touchés par l’histoire de Gharbi, un homme qui s’est consacré à son pays et qui était à l’origine de la création des premiers Groupes de légitime défense, durant la décennie noire. «C’est un homme d’Etat qui malgré tout a accepté le principe de la réconciliation nationale, mais a eu peur pour sa vie à la suite des menaces de mort dont il a fait l’objet et qui n’ont pas été prises au sérieux par l’Etat. C’était de la légitime défense. Nous ne sommes pas contre la réconciliation, mais nous estimons que Gharbi a déjà payé son acte à la société. Il a passé 10 ans en prison. Vu son âge, il mérite une grâce. C’est sur le volet humain que nous agissons et non juridique, étant donné que la peine est définitive. Nous ne sommes ni des partis politiques ni des associations, mais juste un groupe de jeunes très émus par l’histoire d’un héros», révèle Khaled. A partir de là, de nombreux petits groupes LMG se sont constitués à travers le pays, et tout récemment en France (LMG Paris). L’idée d’organiser une caravane de solidarité à travers les villes où il y a une forte communauté algérienne est sur le point d’être concrétisée vu l’engouement des nos compatriotes. «Ce sont tous des Algériens et rien que des Algériens, parce que nous considérons qu’il s’agit d’une affaire algéro-algérienne», tient-il à préciser. Une pétition pour la libération de Gharbi est alors lancée à travers le net et a été signée par plus de 75 personnalités politiques, artistiques et journalistiques, mais également des milliers d’anonymes. «Le nombre de signataires importe peu. L’essentiel, c’est que les gens soient réceptifs. Certains nous ont taxés de communistes, d’autres d’agents du DRS (Département de renseignement et de sécurité), etc., mais nous disons à tous que nous ne représentons que nos personnes : de jeunes cadres, des étudiants et des lycéens qui ne connaissent rien à la politique. Ils sont motivés et engagés pour aider à libérer Gharbi.»

Les nombreuses actions de freez, notamment celles des places de la Grande-Poste, de l’Emir Abdelkader, ainsi que celles menées lors des manifestations internationales, comme le Salon international du livre et le méga-concert à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida. «Nous continuerons à sensibiliser pacifiquement tous les jeunes pour demander la libération de Gharbi. Nous y croyons fortement. Les réactions extraordinaires des jeunes démontrent que les Algériens n’ont jamais été désintéressés des problèmes de leur pays», déclare Khaled. Il lance un appel à tous les autres jeunes pour qu’ils s’impliquent, d’une manière pacifique et intelligente, dans cette campagne. «Vêtus de tee-shirt avec le slogan ‘‘Libérez Mohamed Gharbi’’, nous prendrons part à tous les événements publics pour raconter l’histoire de Mohamed Gharbi et faire signer la pétition.» Toutes ces actions sont menées grâce à un autofinancement. Lorsque Gharbi a été transféré de Guelma à Khenchela, son fils a eu du mal à trouver l’argent – pas moins de 8000 DA – qu’il faut pour aller lui rendre visite.

Il devait aller à Guelma, pour le permis de visite, puis à Khenchela, pour voir son père, bien sûr sans oublier le couffin. Khaled n’oublie pas de remercier la coordination pour la libération de Mohamed Gharbi, composée par des associations et des partis politiques qui, selon lui, mène le même combat que LMG. «Nous avons tous dans le cœur Mohamed Gharbi et espérons que le président sera sensible, comme nous l’avons été en tant que jeunes, à son histoire tragique », conclut Khaled qui, avec Hassan, Samir, Karim, Yamara, et tant d’autres de ses copains et copines, incarnent désormais l’Algérie moderne. Celle qui avance doucement, mais sûrement grâce à ces jeunes qui viennent de donner une leçon de militantisme aux politiciens de salon.

le 07.12.10 | 03h00
Festival culturel international de musique symphonique d’Alger
Dix-huit pays au diapason

La 2e édition du Festival culturel international de musique symphonique se déroulera du 9 au 14 décembre au Théâtre national d’Alger
En l’espace de six jours, dix-huit pays participeront à cette fête de la musique symphonique. La France, l’Espagne, le Mexique, l’Ukraine, la Corée, la Suisse, l’Allemagne, la Suède, la Tunisie, la Pologne, l’Italie, la Russie, l’Autriche, le Japon sont autant de pays attendus.
Ce Festival culturel international de la musique symphonique aura comme invité d’honneur l’Espagne. Au cours d’une conférence de presse, animée hier à l’Institut national de musique, le directeur de l’Orchestre national symphonique, Abdelkader Bouazzara, a indiqué, qu’après le succès remporté lors de la première édition l’année dernière, un accent particulier sera mis cette année sur la richesse du patrimoine culturel national et universel. «Ce festival est une belle opportunité pour mieux faire connaître la musique symphonique algérienne à l’extérieur, notamment aux musiciens étrangers invités et faire mieux découvrir la musique symphonique universelle pratiquée par d’autres pays», dit-il.
Patrimoine, universalisme et harmonie
Placé sous le slogan «Patrimoine, universalisme et harmonie», ce festival se veut d’une part, un espace de convivialité et d’échange entre les musiciens, venus des différents continents, et d’autre part, un moyen de rapprocher les peuples et les cultures. Le festival en question se compose de trois axes importants : le premier est une représentation de concerts donnés par les pays participants. Ainsi, le Théâtre national d’Alger abritera chaque soir un concert où quatre pays participeront à travers des répertoires des plus riches. L’Espagne, invité d’honneur, donnera le la à cette grande manifestation, ce jeudi, avec un spectacle des plus époustouflants.

(hors champ)
Le samedi 11 décembre 2010 autre « spectacle des plus époustouflants » :
Devant un public essentiellement composé de jeunes, mélomanes pour la plupart, et de quelques officiels auxquels manquait la Ministre de la Culture retenue par ailleurs, quatre orchestres font le programme de la soirée : la Tunisie, la Suisse, la Suède et l’Allemagne.
Honnête prestation des deux premiers mais la Suède reçoit les plus vifs applaudissements pour son quintette à cordes qui, par une sorte de mise en espace de ses instruments, fait découvrir sa musique baroque. Pour la dernière partie du concert, les deux présentatrices annoncent en arabe et en français « le clou de la soirée » . Mais le public, qui ne doit pas bien entendre l’allemand, n’est pas très convaincu par le début : une interprétation burlesque de La Flûte enchantée. Le baryton, avec ses joyeuses petites trilles glissées sur la fameuse flûte, a une forte présence , mais la reine de la nuit, qui n’a pas la voix adaptée au rôle, rate complètement son aria . Elle n’est pas plutôt retournée en coulisses que ressurgit le baryton Papageno bientôt rejoint par la soprano costumée en Papagena. Et les deux paysans de mimer de façon très évocatrice leur soudaine découverte de l’amour … qui se poursuit par une partie de jambes en l’air, décente mais très suggestive, sur la scène du théâtre national d’Alger ! Visage renfrogné des officiels présents, air désapprobateur de quelques hidjabs plus ou moins proches, mais la salle en délire applaudit à tout rompre la performance.
À la fin de la soirée, le public de jeunes, riant et plaisantant ou discutant par petits groupes, se disperse très lentement sur le parvis de ce théâtre où furent agressés ou assassinés durant les années noires tant d’artistes et d’intellectuels qui luttaient au nom de la liberté d’expression !
Eveline Caduc .

le 30.12.10 | 10h43 mokran
50ans
bientôt on célèbrera le 50eme anniversaire de l’indépendance.
un demi siècle après on fait quoi à part quelques ponts, routes et barrages on est si loin des autres nations pourtant on est si riche c’est contradictoire!
une année s’achève et une autre commencera mal. elle sera pire que la précédente j’en suis sûr.

le 02.01.11 | 16h43 Des pirates somaliens capturent un navire Algérien !
le 03.01.11 | 10h57 Omar l’altitude
Pas d’inquiétude !Le navire est algérien. Il tombera fatalement en panne. Comme tout chez nous. Plus un petit coup de pénurie de gasoil et qui va l’avoir dans les dos ? Les pirates bien sûr. Nous sommes imbattables. Même les pirates ne peuvent rien contre nous : nous les vaincrons par notre médiocrité.

le 07.01.11 | 03h00
Émeutes : L’embrasement

Depuis lundi, le pays connaît une série d’émeutes qui rappellent curieusement Octobre 88. La soudaine hausse des produits de première nécessité et le sentiment de hogra ont mis le feu aux poudres. Face au silence des autorités – et des médias gouvernementaux – les émeutes se propagent et font déjà plusieurs blessés.
Mardi 4. Une rumeur se propage comme une traînée de poudre dans les quartiers des Trois Horloges et de Jean Jaurès à Bab El Oued. Une descente de police serait prévue pour déloger tous les vendeurs à la sauvette qui squattent les trottoirs. Mercredi 5. Les jeunes du quartier sont décidés à en découdre avec les forces de l’ordre si jamais on leur interdisait l’occupation de leurs endroits habituels. A 19h30, sans raison particulière et sans que les forces de l’ordre aient entrepris la moindre opération, un début d’émeute embrase les quartiers Triolet, Trois Horloges, Carrière, et celui du cinquième arrondissement où se trouve le commissariat du quartier.
«Tout est parti d’une énorme rumeur, confirme Nacer, président de SOS Bab El Oued. On a voulu pousser les jeunes à bout pour les faire sortir dans la rue. La situation actuelle est propice à l’embrasement avec la dernière augmentation des prix de certains produits. Cela rappelle ce qui s’est passée en octobre 88.» Les échauffourées dans le quartier de Bab El Oued vont durer jusqu’à 2h du matin et verront de très nombreux groupes de jeunes, mobiles et scandant des slogans hostiles au pouvoir, s’en prendre aux forces de l’ordre et à plusieurs magasins du quartier. Cinquième arrondissement et quartier des Trois Horloges : Abribus détruits, poteaux de signalisation arrachés, magasin Bellat dévalisé, agence Mobilis endommagée et commissariat pris d’assaut.

Commissariat harcelé
Mohamed, employé chez Bellat, n’est pas près d’oublier ce qu’il a vécu mercredi. Dès les premiers attroupements, il décide de baisser rideau. Il ne devra son salut qu’en décidant de se barricader dans la cave du magasin. «J’ai vu des jeunes s’en prendre aux rideaux de la devanture, confie-t-il, encore sous l’effet de l’émotion. J’ai compris que si je ne descendais pas vite m’enfermer dans la cave, j’allais le payer cher.» Les présentoirs seront détruits et toute la marchandise emportée. Mohamed estime les pertes occasionnées à 34 millions de centimes. Après Bellat, l’agence Mobilis, située juste à côté, connaîtra le même sort. Les émeutiers repartiront en emportant avec eux le matériel informatique et détruiront le mobilier. Le commissariat du cinquième arrondissement sera lui aussi harcelé durant une bonne partie de la nuit. Des bandes de jeunes tentent de pénétrer à l’intérieur du QG, obligeant les forces de l’ordre à faire usage de jets de gaz lacrymogène et de tirs de sommation. Quartier du Triolet. Dans les showroom Renault et Geely, des voitures sont calcinées, des pneus démontées, des pare-chocs arrachés et des pare-brise fracassés.

Le gardien de Renault hospitalisé

Le showroom Renault n’est plus qu’un tas de gravats. Des pans entiers du faux plafond ont été arrachés, des bris de glace jonchent le sol, une Logan et une Sandero calcinées sont abandonnés dans un coin du magasin, le mobilier est détruit et les ordinateurs envolés. Au total, ce sont neuf voitures qui seront endommagées durant cette nuit de folie, qui a vu des jeunes armés de couteaux et de pioches, détruire tout sur leur passage. Cette expédition fera une victime : le gardien du showroom Renault, frappé d’un coup de couteau et hospitalisé aux urgences de l’hôpital Maillot. «Ils ont volé ce qu’ils ont pu et détruit ce qu’ils ne pouvaient pas prendre avec eux, affirme un commercial de chez Renault. Il y en a pour dix millions de DA de dégâts.» Chez Geely (constructeur chinois) cinq véhicules sont démontés. L’un des cadres de l’entreprise SIPAC, représentant Geely en Algérie, a assisté impuissant à la destruction du showroom. «Il y avait des policiers en faction près du magasin qui regardaient sans intervenir la destruction du magasin. Quand j’ai demandé de l’aide, ils m’ont répondu qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre pour le faire.»
Salim Mesbah

Week-end 7 jours
le 07.01.11 | 03h00
Les partis politiques réagissent

«Le citoyen algérien subit le mépris et l’injustice de la part des autorités. Pour l’instant, le pouvoir joue la répression et la corruption», affirme Mohcen Bellabès, secrétaire national du RCD, chargé de la coordination et de la communication et député d’Alger. Selon lui, «le changement du système politique est un préalable et un objectif, si on veut éviter le chaos». Le RCD, ajoute- t-il, «ne cesse de répéter deux choses : il ne s’agit pas de sauver le régime, mais de sauver l’Algérie, ni de manipuler la misère et la colère du peuple, mais de répondre aux légitime revendications». Le régime algérien, dénonce-t-il encore, cherche à protéger sa survie et non à sortir le pays de la crise quand il est le seul responsable. Le pouvoir est également responsabilisé par le MSP.
Abderrezak Mokri, vice-président du parti, parle de l’incapacité de l’Etat à tracer une vision économique et respecter la transparence politique. «Economiquement, il n’y a pas de vision. Il y a un échec total d’investissement et de création d’entreprise qui vient s’ajouter à la corruption. L’Etat se limite seulement à exporter le pétrole et à lancer des projets grandioses, mais est incapable de créer de l’emploi», explique-t-il. Politiquement, M. Mokri parle d’un véritable écroulement d’une classe politique. L’Etat, développe-t-il, a mis en place une nouvelle classe politique incapable d’établir un contact authentique avec la société. Pour sa part, Moussa Touati, président du FNA, explique que «ces explosions sont inévitables quand le gouvernement ne fait pas de calcul et si aucune prise en charge des doléances soulevées ne se fait pas, nous pouvons nous attendre au pire. Il faut savoir, conclut-il, comment gérer une économie d’Etat».
Le Parti des travailleurs, pour sa part, s’est réuni hier et a dénoncé «la spéculation criminelle sur les prix» en exprimant ses «attentes de mesures urgentes appropriées à même de désamorcer la crise». Le parti socialiste des travailleurs a condamné les orientations politiques libérales prise par l’Etat depuis le début des années 1980 et l’échec decelui-ci dans le règlement des problématiques de logements et du chômage. Enfin, Nahda a exprimé son inquiétude quant aux revendications des citoyens à travers les émeutes déclarées dans plusieurs régions du pays. Un appel à prendre des mesures urgentes et une ouverture au dialogue s’imposent, selon Nahda

Nassima Oulebsir

le 11.01.11 | 03h00
Les appels de partis, organisations et personnalités se multiplient
L’Algérie doit changer

Ils prennent «timidement» le relais des «émeutiers». Les partis de l’opposition démocratiques, les syndicats autonomes et les associations et organisations de la «société civile» multiplient les initiatives, lancent des appels insistants à la construction d’une «alternative démocratique».
Levée de l’état d’urgence, ouverture du champ politique et médiatique, rétablissement des libertés civiles, garantie des droits d’association et de manifestation, un SMIG politique sur lequel peuvent s’entendre nombre de formations politiques de la mouvance démocratique.
La convergence démocratique aura-t-elle pour autant lieu ? Les partis de l’opposition démocratique, les syndicats autonomes et les associations et organisations de la «société civile» sauront-ils cette fois-ci transcender leurs clivages traditionnels pour porter une alternative viable à un régime algérien que d’aucuns qualifient d’«autiste», de «cynique», de «myope», de «brutal», de «rentier», d’«autoritaire», de «corrompu et corrupteur»…. Des «passerelles objectives» peuvent-elles être jetées entre les forces éclatées de la mouvance démocratique ?

Chez le plus vieux parti de l’opposition, le Front des forces socialistes (FFS) en l’occurrence, on est plus que jamais «convaincu que des possibilités existent pour une alternative démocratique» tout en refusant de s’inscrire dans une «alternance clanique». Le FFS a appelé avant-hier les Algériens «à se mettre en mouvement pacifiquement pour imposer une ouverture politique réelle» et réitère «l’urgence» de prise de mesures d’ouverture politique, à savoir la levée de l’état d’urgence, le rétablissement des libertés civiles, l’ouverture du champ médiatique et garantie des droits d’association et de manifestation. «La situation actuelle montre que l’alternative démocratique ne s’improvise pas. Nous devons regarder vers nos voisins tunisiens et les saluer. Ce qui se passe en Tunisie est le fruit des efforts des vraies élites qui n’ont pas perdu leur âme, qui ont choisi leur camp et sont engagées dans un long et patient travail de réencadrement de la société. Ne leurrons pas nos compatriotes, ce travail nous devons le mener aussi. C’est le passage obligé vers la liberté et la dignité dans notre pays et vers la construction du Maghreb démocratique.»

Dans un communiqué conjoint, les syndicats autonomes de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de l’administration, – déclaration signée également par la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) –, demandent la levée de l’état d’urgence et l’ouverture du champ médiatique, politique, syndical et associatif «afin que les conflits puissent être réglés par la force d’un droit qui prend en charge les intérêts et les préoccupations de la majorité de la population et non pas par le droit d’une force qui protège les intérêts d’une minorité». «La somme des dégâts causés par les‘émeutiers, notent les syndicats autonomes, n’arrive même pas à la hauteur d’un seul scandale de malversation dont l’Algérie est riche (Khalifa Bank, BCA, Sonatrach, Brown & Condor, etc.).»

Transformer le rejet en projet
Alors que le Mouvement démocratique et social (MDS) appelait à la «destruction d’un système qui ne profite qu’à une minorité de privilégiés» et à «enclencher une dynamique porteuse d’espoirs», le Parti socialiste des travailleurs (PST) – appel aux travailleurs et aux jeunes diffusé samedi dernier – dénonçait le verrouillage systématique de toute expression syndicale et politique, la répression des marches, des grèves, des réunions : «Verrouillage qui ne laisse à nos jeunes que le choix d’une révolte désespérée.» Le PST lance un appel à la mobilisation la plus large et à soutenir le mouvement de contestation.
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) veut, lui, transformer le «rejet» exprimé par la rue en «projet». La révolte des jeunes signe «l’échec d’un régime qui dévaste, depuis 50 ans, l’Algérie». Le RCD réitère sa disponibilité à «s’associer et à soutenir toutes les initiatives citoyennes exprimant une colère légitime». Le parti de Saïd Sadi invite l’ensemble des Algériens «à s’organiser en se regroupant autour de personnes connues pour leur probité avec des objectifs clairs pour offrir un prolongement efficient et durable à leurs revendications».

Les solutions placebo du pouvoir
Ressuscité de sa belle mort, le mouvement citoyen des archs brocarde, dans sa dernière déclaration publique, les «dignitaires du régime qui disposent de l’Etat comme d’un bien vacant» et lance un appel à la jeunesse algérienne à «l’auto-organisation». Objectif : «Offrir une alternative citoyenne à la hauteur des aspirations populaires.» «Une situation explosive est en train de se mettre en place et le pouvoir, comme à l’accoutumée, se prépare non pas à accéder aux aspirations populaires, mais plutôt à user, une fois de plus, de la violence, de la diversion et des solutions placebo.»
Ces appels insistants, relayés par plusieurs personnalités politiques, seront-ils entendus ou tomberont-ils dans l’oreille d’un sourd ?
Dans une interview accordée hier à un journal on-line, Daho Ould Kablia, le ministre de l’Intérieur, parle d’ores et déjà de «récupération» politique du mouvement de contestation par certains responsables de partis et associations. «Ils (les responsables politiques, ndlr) disent qu’il faut considérer ces manifestations comme un rejet du pouvoir actuel et que seule une démocratie et plus de liberté, plus de participation des citoyens au champ médiatique, peuvent régler les problèmes. On en doute. S’il y avait un autre gouvernement que celui qui est en place, il y aurait peut-être eu des problèmes plus graves parce que les problèmes économiques et sociaux ne sont pas théoriques. Ce n’est pas la cité d’Isis, la cité idéale qui va les régler.» Les déclarations du ministre ont décidément de quoi refroidir un mort.
Mohand Aziri

le 12.01.11 | 03h00

Les casseurs de moral

Première blague post-émeute : «Gallek ouahed tlaâlou essokker, agressaweh.» Traduction : quelqu’un a fait un pic d’hyperglycémie (taux de sucre en hausse) et s’est fait agresser. Cette dérision alimentaire prouverait que tout commence à rentrer dans l’ordre. Si les émeutes se sont calmées, il y a pourtant quelque chose de désespérant : depuis quelques jours, les réseaux sociaux, facebook et twitter, subissent un gros ralentissement de trafic et les internautes peinent à naviguer, s’informer et échanger idées, humeurs ou avis sur la situation. La raison est simple : l’année dernière, les services de sécurité ont installé un nouveau système d’écoute des communications internet. Cet appareillage (un Gix), placé à grand renfort de finances publiques et de spécialistes étrangers, permet de pomper directement d’Internet tout ce qui y entre et en sort.
Le fait «d’écouter» Internet en permanence, comme en ce moment où le million et demi de facebookeurs algériens sont actifs, réduit considérablement le trafic et cause des lenteurs désagréables, voire l’impossibilité à certaines heures de se connecter. Que cherchent les services ? Comme d’habitude, les appels aux grèves, aux rassemblements et aux marches, fichant les activistes les plus radicaux et prenant la température de la révolte. On l’aura noté, cette opération contredit le discours officiel, qui explique que ce sont les casseurs qui ont fomenté les émeutes. Même Ould Kablia le sait, les casseurs ne sont pas sur facebook et si l’on épie ainsi les réseaux Internet, c’est pour prévenir toute protestation pacifique. Les casseurs de moral viennent de montrer qu’ils n’ont aucune intention de changer ou d’ouvrir le débat, avec ou sans casseurs, et avouent leur intention de laisser l’Algérie sans oxygène, quitte à leur donner un petit sucre, comme
à un caniche. L’émeute actuelle va se calmer. Il y en aura d’autres demain.
Chawki Amari

From Lynda
To: eveline caduc
Subject: RE: Bonjour
Date: Wed, 12 Jan 2011 23:04:51 +0000

Bonsoir ,
Vous savez, Eveline, un jour je vous ai parlé de la jeunesse algérienne et tout ce qu’elle endure. Je fais partie de ces jeunes qui ont beaucoup de mal à se construire. En un mot, je me sens dans une prison. Il ne s’agit ni du prix du sucre ni de celui de l’huile. Encore une fois, on nous a réduits à des gens qui ne pensent qu’à manger et …Non Eveline, on a plein de rêves en tête. Mais nos dirigeants tuent tout ce qu’il y a de bien en nous. Vous allez peut-être rire de ça mais je vais quand même vous le dire. Je suis une jeune fille qui croit en les vertus réparatrices de l’art qui permet de pallier à nos crises existentielles. Vous savez depuis quand la seule cinémathèque disponible à Béjaia est fermée? Eh oui…Si vous saviez le nombre de frustrations que nous vivons au quotidien…On nous méprise Eveline et, croyez-moi, il est dur de savoir qu’on est capable de faire plein de choses et se savoir emêché de faire quoi que ce soit. Le mal est profond Eveline. NOUS NE MERITONS PAS ÇA EVELINE. Nous ne méritons pas d’être réduits à un kilo de sucre et à…

manielle le 16.01.11 | 08h24
c’est triste les jeunes sont partout actuellement très malheureux, les diplômés ne trouvent pas de travail parce qu’ils n’ont pas d’expérience ; les sans diplômes aussi : de plus en plus c’est le réseau qui fait qu’on a du travail et ceci est dangereux pour tout gouvernement qui veut la démocratie ; il y aura de plus en plus de suicide si on ne revient pas à une société qui favorise l’humain plutôt que les machines et le profit.

bousb le 16.01.11 | 00h52
Pour l’amour et la main de dieu
Je demande aux Peuple Algérien de sud au Nord et de L’est au L’ouest De Préparer La guerre contre ce pouvoir Algérien Mafieux,J’appelle tous les algériens de rendre Justice aux âmes de ces jeunes Chômeur qui se suicide, qui se brule, et qui se Noyer dans les eaux méditerranéennes et qui servent de plancton pour les Poissons (Haragga) et de condamner ce régime éternellement devants toute les Nations et l’Histoire.
si l’heure des braves mes frères Algérien, il est temps D’agir mes Frères.

le 17.01.11 | 03h00
Ces jeunes Algériens qui s’immolent par désespoir

Les actes de désespoir se multiplient ces derniers jours à travers différentes régions du pays. Hier, à Mostaganem, un homme de 34 ans, chômeur, a tenté de mettre fin à ses jours devant la direction de la sûreté de wilaya.

A la recherche d’un emploi, sans succès, ce trentenaire a voulu se donner la mort de manière spectaculaire en s’immolant par le feu. Samedi, trois Algériens vivant dans des régions différentes ont tenté le même acte suicidaire pour protester contre leurs conditions sociales intenables.

Certes, ces actes ne sont pas nouveaux dans notre pays où la population est totalement livrée à elle-même, sans repères ni perspectives. La nouveauté est le fait que ces actes de désespoir se sont produits en l’espace de 48 heures seulement et en des endroits différents. Le premier est un homme de 41 ans qui a tenté de s’immoler, mercredi dernier, dans l’enceinte de la daïra de Bordj Menaïel, à Boumerdès, à 70 km d’Alger, où il travaillait comme agent de sécurité. Père de six enfants, ce quadragénaire n’a trouvé que cet acte suicidaire pour protester contre son exclusion de la liste des bénéficiaires de logements sociaux de sa localité, Cap Djinet. Le deuxième est un jeune de 26 ans, originaire de Jijel, qui n’arrive plus à faire face à ses problèmes sociaux et le troisième, un jeune de 27 ans de la commune de Boukhdra, à 35 km au nord de Tébessa, à l’est du pays.
La rue algérienne n’a pas hésité à faire le parallèle entre ces actes et celui du jeune Tunisien de Sidi Bouzid, à l’origine la vague de violences qui a fait tomber le régime autoritaire de Ben Ali. La révolte des Tunisiens est la première du genre dans le monde arabe. L’effet de contagion est à craindre, surtout que les ingrédients que l’on trouve en Tunisie sont aussi présents en Algérie. Les inégalités sont de plus en plus importantes. A l’asservissement du peuple s’ajoutent la corruption généralisée et la misère. Des centaines de milliards de dollars ont été dépensés dans des programmes de développement, sans que cela ne se répercute positivement sur la vie quotidienne des Algériens, dont le pouvoir d’achat ne cesse d’être érodé par l’inflation grandissante. Les signes de la misère sociale sont visibles partout dans notre pays.
Le désespoir bat son plein. Au verrouillage politique s’ajoute l’injustice sociale qui s’est répandue à travers l’ensemble du territoire et qui s’est aggravée durant la première décade du XXIe siècle. Le retour relatif de la paix n’a pas ramené le progrès longtemps souhaité. Les politiques de colmatage et de replâtrage n’ont fait que creuser l’écart entre le pouvoir et la société. La rue algérienne gronde. Il suffit d’une étincelle pour allumer un brasier…
Mokrane Ait Ouarabi

le 17.01.11 | 03h00
Dispositif anti-émeute dans les rues d’Alger
La capitale sous haute surveillance

Lorsque la rue gronde, les pouvoirs tremblent. La révolution tunisienne, qui a fini par faire fuir le premier bourreau de Carthage, fait craindre aux voisins un effet de contagion. Les rues d’Alger sont quadrillées depuis vendredi dernier par un important dispositif sécuritaire. La crainte de voir la rue algérienne, qui semble envier la révolte tunisienne, se «rebeller», a fait sortir un nombre important de camions de casques bleus.
Les dizaines de ces derniers sont postés en différents lieux sensibles de la capitale. Sur la place du 1er Mai, plus précisément devant le siège de la centrale syndicale, un nombre important de camions des brigades anti-émeute attendent un éventuel mouvement de rue. Aux Trois-Horloges, à Bab El Oued, et non loin du commissariat du 5e arrondissement, le même dispositif a été mis en place avec, en tête de peloton, le fameux blindé antiémeute appelé «moustache». Devant le siège de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), la même exhibition de force est constatée. Le palais d’El Mouradia, siège de la présidence de la République, demeure sous l’œil vigilant d’un ensemble de véhicules policiers dirigés par des officiers.

Pourtant, aucun appel à une marche ou un à rassemblement n’a été fait. Une réaction, à n’en point douter, liée à la situation en Tunisie. La crainte de voir la rue algéroise bouger est patente et cette exhibition des unités antiémeute le prouve. Outre le déploiement de ces forces, il était difficile pour les Algérois, hier, de communiquer par SMS. Le réseau téléphonique a été perturbé avec l’impossibilité d’envoi de texto et ce, via les différents opérateurs téléphoniques, en particulier Mobilis. Le réseau social facebook subit aussi des perturbations. A noter, par ailleurs, que sur le plan des activités sportives, la trêve footballistique a été inhabituellement avancée, ce qui dénote de la crainte que tout rassemblement populaire ne se transforme en manifestation et qu’il y ait effet d’entraînement pour devenir un espace de revendication et donc de révolte. Les activités culturelles ont, elles aussi, été suspendues jusqu’à nouvel ordre. C’est dire ô combien le séisme tunisien fait craindre, de ce côté de la frontière, des répliques pouvant avoir des conséquences importantes. La volonté populaire est un fleuve au cours indétournable.
Nadjia Bouaricha

le 17.01.11 | 17h25

Une vingtaine de harraga tentent le suicide collectif en haute mer à Annaba
Repérés en haute mer dans la nuit de dimanche à lundi par les gardes-côtes à Annaba, une vingtaine de harraga n’ont pas voulu obtempérer.
Ils ont décidé, contre toute attente, d’asperger l’embarcation d’essence de réserve et d’y mettre le feu.
Un véritable suicide collectif que l’intervention des gardes-côtes a fait échouer.
L’opération de secours, immédiatement déclenchée par la marine, a permis de sauver 18 d’entre eux, alors que les deux autres sont jusque-là déclarés portés disparus.
Arrivés au port de Annaba vers 5h00, ils ont été auscultés par le médecin de la Protection civile et auditionnés par la police maritime, avant d’être présentés devant le procureur près le tribunal de Annaba.
Mohamed Fawzi Gaïdi

le 18.01.11 | 03h00
Abdesselam Ali-Rachedi, Homme politique et professeur d’université :
«L’émeute est parfois due à un sursaut de dignité»

-Quelle lecture faites-vous des émeutes qui ont secoué la semaine dernière de nombreuses grandes villes du pays ? Est-ce que vous vous attendiez à une telle explosion ?
Depuis plusieurs années déjà, les émeutes sont devenues un phénomène récurrent. Généralement, il s’agit d’émeutes localisées (un quartier, un village…) et éphémères. Le pouvoir ayant fermé tous les canaux de communication avec la société, l’émeute devient le seul moyen d’expression. Personnellement, j’ai régulièrement dénoncé, dans mes interventions dans la presse, la fermeture des champs politique et médiatique et prédit l’inévitabilité des émeutes. Je m’attendais donc à l’explosion du début janvier.
-Partagez-vous l’avis de certains observateurs qui limitent ces manifestations à un problème de prix et de cherté de la vie ?
Le prix des produits de première nécessité n’est qu’un prétexte. Ce sont plutôt les parents qui sont touchés par la cherté de la vie et non les jeunes manifestants. La véritable raison de la révolte des jeunes est la mal-vie. Le sentiment que l’on a de survivre en attendant des jours meilleurs, qui ne viennent pas bien entendu. D’où le désespoir, les suicides, la harga. Rappelez-vous ce que disaient les jeunes de Kabylie au printemps 2001 : «Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts !» Il y a aussi le sentiment de hogra, vécu comme une humiliation permanente. L’émeute est parfois due à un sursaut de dignité, lorsqu’on manifeste par solidarité lors des procès des jeunes arrêtés lors de précédentes émeutes.
-Y a-t-il lieu, selon vous, d’établir un parallèle avec ce qui s’est produit le 5 octobre 1988?
Les émeutes de 1988 se sont produites dans un contexte très particulier. Financièrement, l’Algérie était dans l’impasse suite à l’effondrement du prix du baril en 85-86. Politiquement, Chadli voulait un troisième mandat, alors que l’establishment était loin de soutenir cette option. Enfin, les islamistes, s’ils n’étaient pas un acteur politique reconnu, étaient malgré tout assez présents sur le terrain pour tirer profit des événements. Remarquons également que ces événements ont concerné surtout la capitale et quelques grandes villes mais presque pas la Kabylie.
Les événements de janvier 2011 se sont produits dans un tout autre contexte. L’Algérie possède des réserves de change de 155 milliards de dollars et un fonds de régulation avec un solde positif conséquent. Il s’agit donc plus de mauvaise gouvernance et de corruption que d’insuffisance des ressources. Bouteflika a entamé son troisième mandat mais son mauvais état de santé pose prématurément le problème de sa succession. Deux éléments positifs caractérisent les émeutes de janvier 2011. Pour la première fois, la révolte a touché à la fois la Kabylie et les grandes villes en dehors de la Kabylie, surmontant ainsi les clivages identitaires. Pour rappel, lors du printemps berbère en 1980, l’Algérie profonde ne s’est pas sentie concernée.
En octobre 88, la Kabylie n’a pas bougé. Lors du printemps noir, en 2001, en dehors de quelques manifestations localisées, le reste de l’Algérie est restée indifférente. Deuxièmement, les islamistes, depuis longtemps en reflux, n’ont pas été en mesure, malgré leurs tentatives, de détourner le mouvement à leur profit. Ce phénomène était déjà perceptible en 2009, lors des manifestations ayant accompagné la qualification de l’Algérie en Coupe du monde où les jeunes, garçons et filles, se sont réapproprié l’emblème national.
-Contrairement à la Tunisie, la colère de la «rue» en Algérie aura été de courte durée. Pourquoi selon vous ?
En Algérie, il s’agissait simplement d’émeutes, expression de colère, sans objectifs politiques. En Tunisie, il y a eu un soulèvement contre le régime, voire une révolution. En Tunisie, il existe une société civile dynamique, des leaders d’opinion reconnus, une opposition qui a su se préserver en demeurant enracinée dans la société. Dès le départ, les femmes, les défenseurs des droits de l’homme, les avocats, les médecins… se sont impliqués dans le mouvement, sans compter les milliers d’internautes qui se sont servi des réseaux sociaux pour informer le monde entier.
-Aucun slogan n’a en particulier émergé des ces émeutes. Est-ce que cela vous inquiète ? Peut-on parler d’une dépolitisation de la société ?
Il n’est pas dans la nature des émeutes d’exprimer des revendications politiques. Pour parler de dépolitisation, il faudrait d’abord admettre que la société algérienne a été politisée à un moment ou à un autre. Or, chez nous, il est patent que la culture citoyenne fait défaut. Le régime algérien est fortement marqué par l’idéologie populiste, héritée du mouvement national. L’idéologie populiste ne reconnaît pas la nécessité de corps intermédiaires, entre le pouvoir et le peuple et donc l’existence des élites, vite qualifiées de traîtres à la nation. Plus fondamentalement, elle ne reconnaît pas la diversité au sein de la société et donc le conflit, essence du politique. Quand il n’y a pas de divergence d’intérêts ou que ces divergences sont occultées, il n’y a pas nécessité d’avoir des partis représentatifs des différents intérêts en conflit, du moins en théorie. L’enjeu pour l’Algérie est donc de développer la culture citoyenne en rompant radicalement avec le populisme sous toutes ses formes, y compris religieuse.
-Que pensez-vous de la «gestion» imprimée à ces événements par les autorités ? Pourquoi, d’après vous, le président de la République et le Premier ministre se sont tenus loin des feux de la rampe ? Par quoi expliquez-vous leur mutisme ?L’idéologie populiste suppose une harmonie parfaite entre le zaïm et les «masses populaires». La survenue d’émeutes brise cette supposée harmonie. D’où l’incompréhension, d’où le mutisme.
-Avez-vous un commentaire à faire concernant la réponse apportée par les autorités aux manifestants (diminution des prix de l’huile et du sucre) ?
La réponse est une injure à la jeunesse en révolte. A la demande de dignité, on répond par le mépris en considérant les protestataires comme de simples tubes digestifs. De plus, les solutions préconisées pour contrecarrer la flambée des prix des produits de première nécessité, traduit l’inculture économique des dirigeants qui croient pouvoir domestiquer le marché par des mesures administratives.
-Certains analystes de presse n’hésitent pas à mettre en cause la responsabilité des lobbies de l’informel et des barons de l’importation dans ce qui s’est produit. Cela tient-il la route?
Personnellement, je récuse la théorie du complot et de la manipulation. Pour moi, les citoyens sont des acteurs à part entière et qui agissent en toute conscience. Je refuse l’idée selon laquelle les gens ne sont que des objets passifs.Quant à l’informel, c’est une notion toute relative. Supposons que l’on soit dans un régime libéral où l’impôt est faible, voire inexistant et où les activités économiques sont libres et non soumises aux autorisations, il n’y aurait à ce moment là plus d’informel. En fait, l’informel se développe lorsque le marché est bridé par des contraintes administratives injustifiées qui rendent l’activité économique non rentable. Il faut donc lever les contraintes administratives.
Par ailleurs, parmi ceux qui prétendent travailler dans le secteur formel, beaucoup ne doivent en réalité leur qualité d’hommes d’affaires que par leur proximité avec le pouvoir et les relations clientélistes qu’ils ont su tisser au fil des années. C’est en quelque sorte de l’informel de haut niveau ! Par ailleurs, avant de mettre en cause les barons de l’importation, demandons d’abord des comptes aux responsables politiques qui ont délibérément laissé mourir l’économie productive en faisant de notre pays un marché captif, otage des prédateurs externes et internes.
-Pourquoi à part un ou deux partis, la classe politique dans son ensemble donne l’impression d’être hors coup à chaque fois que la société bouge ? Pourquoi y a-t-il un aussi grand décalage entre les partis et la société ?
Les partis ont été piégés par l’ouverture démocratique post octobre 88. Ils ont cru, peut-être naïvement, à une réelle ouverture politique alors qu’il ne s’agissait que d’une ruse du système. Ils ont joué le jeu des institutions alors que, la normalisation faisant son œuvre, le verrouillage politique et médiatique était devenu total. Il s’en est suivi un discrédit des partis dans leur ensemble, y compris ceux de l’opposition. De plus, dans une société, encore fortement marquée par le populisme, il y a une défiance persistante à l’égard des élites. D’un autre côté, les pratiques politiques, y compris au sein de l’opposition, sont marquées par l’autoritarisme, le clientélisme, l’opportunisme et souvent la connivence avec le pouvoir.
-Par quoi pèche le plus actuellement la classe politique algérienne ?
Clairement, l’absence de crédibilité. Les partis ne sont pas ancrés dans la société. Plus grave encore, ils ne sont pas capables de se rassembler autour d’une plateforme commune qui puisse servir de base au combat commun pour la démocratie. Les stratégies personnelles et l’entrisme minent tout effort de rassemblement.
-Pourquoi une alternative démocratique tarde à se constituer en Algérie ?
Fondamentalement, il y a un très grand retard de la culture citoyenne. La cause en est un système éducatif archaïque qui est plus une machine à endoctriner (l’islam, la nation arabe, la glorieuse révolution…) qu’une institution destinée à forger l’esprit critique et acquérir des connaissances. La responsabilité en incombe, bien entendu, au régime en place depuis 1962. Ensuite, il y a l’appareil sécuritaire et la police politique qui empêchent toute velléité d’organisation des acteurs autonomes. Enfin, jusqu’à ces dernières années, le terrain était occupé par les islamistes, avec sans doute la bénédiction du pouvoir.
-Ce qui s’est produit en Tunisie peut-il se reproduire en Algérie ?
Pas dans le court terme. Ne serait-ce que pour une seule raison. L’armée tunisienne a refusé de tirer sur les manifestants et a fini par se mettre au service du soulèvement anti-Ben Ali. On ne peut imaginer pareille issue en Algérie où l’armée et le DRS sont au cœur du pouvoir. Les autres raisons ont été développées plus haut.
-Peut-on savoir ce que devient Abdesselam Ali-Rachedi ? Pourquoi vous intervenez de moins en moins dans les débats qui secouent la société ?
Le verrouillage politique et médiatique est total. Il n’y a plus aucune place pour le débat politique, sauf dans les salons (Débats d’El Watan, débats de la LADDH…). On ne peut parler de projets politiques dans les circonstances actuelles. Je demeure toutefois très attentif à ce qui se passe sur la scène nationale.
Zine Cherfaoui

le 19.01.11 | 03h00
Devant le rétrécissement des espaces d’expression, la rue devient le récipiendaire des revendications populaires. L’Algérie s’est installée depuis le 9 février 1992 dans l’état d’urgence.
Les acteurs politiques et syndicaux ainsi que les défenseurs des droits de l’homme subissent toutes les contraintes de cet environnement hostile. Le droit constitutionnel de créer un parti politique est bafoué, ainsi que celui d’ouvrir un journal libre de toute accointance avec le pouvoir. Les rues d’Alger sont sporadiquement quadrillées au moindre soupçon de mouvement de contestation. Elles sont aussi soumises à la loupe de la vidéosurveillance. Alger vit présentement sous un lourd climat de crainte de la contagion de la révolte tunisienne.

Les camions des unités anti-émeute sont omniprésents. Les réseaux téléphoniques perturbés, ainsi que certains réseaux sociaux sur Internet. Serait-ce une simple coïncidence ? «L’état d’urgence est une loi dont découlent des dispositifs et des institutions chargés de fermer l’espace des libertés. A titre d’exemple, le code pénal bis qui réduit les libertés de la presse. Donc, non seulement cette loi doit être abrogée et levée mais aussi il faudra en finir avec tous ces dispositifs qui ont été sécrétés par cette loi et rendre la liberté aux journalistes, syndicalistes, partis politiques, sinon son abrogation seule ne va pas suffire. C’est tout le climat qu’il y a autour qu’il faudra changer», estime le premier secrétaire du Front des forces socialistes, Karim Tabbou. Il souligne que «le fait de soumettre un parti à une demande d’autorisation pour organiser ses activités est déjà une grande atteinte et un interdit. Notre parti a eu droit à trois heures d’antenne à la télévision en dix ans. La réalité est faite d’un quotidien soumis à des contraintes pratiques, dont la fermeture de la capitale à toute activité politique. Le fait aussi que la police bénéficie de larges prérogatives. Je pense aux écoutes, à l’enregistrement des associations, à l’infiltration des partis, aux tentatives de putschs au sein des partis sont des contraintes pratiques. La justice et la police sont au service exclusif du pouvoir et de là, vont découler toutes les contraintes».

Pour maître Mostefa Bouchachi, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, «l’état d’urgence est maintenu contre la société civile, l’opposition et contre les Algériens». L’avocat et défenseur des droits de l’homme indique que «si le régime avait bien saisi le message des émeutiers, il réagirait plus vite pour abroger cette loi. Il faut savoir que ce n’est pas seulement le chômage et la mal-vie qui ont fait sortir les jeunes dans la rue, c’est la fermeture du champ politique et médiatique qui pousse ces jeunes à se suicider en mer». «L’Algérie est un des rares pays arabes à refuser aux citoyens de manifester pour Ghaza. Depuis dix ans, les marches sont interdites. Toutes les demandes sont systématiquement rejetées. Il faut lever l’état d’urgence, sinon une explosion sociale touchera le pays.»

Il faut lever l’état d’urgence
Meziane Meriane, coordinateur du Syndicat national autonome des professeurs d’enseignement secondaire et technique, a estimé que cet état limite les libertés, notamment syndicales. «Plusieurs fois nous avons appelé à des sit-in et des marches mais au nom de cet état d’urgence, ça a été interdit. Nous avons été tabassés à plusieurs reprises et embarqués dans les commissariats et nos activités ont été annulées. J’estime que tout citoyen et partenaire social se doit de demander la levée de l’état d’urgence.»
Notre interlocuteur précise que la raison pour laquelle l’état d’urgence a été instauré n’est plus «cette loi qui devait faire face à la menace terroriste. Cette situation est dépassée», dit-il. Le docteur Lyes Merabet, président du Syndicat des praticiens de la santé publique, considère qu’il s’agit d’une «situation tout à fait liberticide». «Nous avons été obligés d’exprimer notre mécontentement en tant que syndicat contre le mépris affiché à l’égard des praticiens en organisant des sit-in et appelant à des marches mais, malheureusement, cela n’a pas été possible, car à chaque fois nous avons subi la répression, la bastonnade et la pression de toutes parts», note le syndicaliste. «On prend des décisions pour nous sans nous, et on nous empêche d’exprimer notre refus.
Cette situation n’a que trop duré. Elle profite aux pouvoirs publics pour maintenir la pression sur la société civile. Et le résultat est que la vie de la cité est dégarnie et tous ses éléments représentatifs et relais devant encadrer la société et ramener la contestation sur la voie pacifique ont été cassés». Mohamed Djemma, dont le parti le MSP fait partie de l’Alliance présidentielle, considère que «le traitement sécuritaire de la menace terroriste suffit à lui seul sans l’état d’urgence, comme cela se fait dans les autres pays».
Et d’ajouter : «Cette situation est une épée de Damoclès sur la tête des partis et syndicats qui ne peuvent plus s’exprimer dans la rue.» Nous avons tenté vainement de joindre le RCD et le PT. Dans un communiqué parvenu à la rédaction, le RCD, qui a appelé à une marche pour ce samedi 22 janvier 2011, a fait état de manœuvres «du bureau du RND d’Alger qui s’est réuni le 17 janvier au soir pour envisager les possibilités de lancer des provocations contre la marche populaire».

Nadjia Bouaricha

le 19.01.11 | 16h06

Émeutes :les avertissements des sociologues et chercheurs algériens

«Tout retard dans les changements en direction de la jeunesse, peut engendrer des changements violents à coûts très élevés», a averti mercredi le sociologue Nacer Djabi.
Ce dernier, commentant les dernières émeutes ayant caractérisé plusieurs régions du pays, a indiqué à l’APS que «la violence manifestée par les jeunes, lors des dernières protestations, est une violence expressive et n’est pas perçue comme un instrument pour le changement».
«Toute banalisation de cette violence risque d’être contre-productive, dans le sens où le jeune se l’approprie pour aspirer au changement», a-t-il toutefois averti, ajoutant que dans ce cas de figure, «il s’agira d’une autre dérive coûteuse».
C’est ainsi que Nacer Djabi a plaidé pour «un changement pacifique» qui prend en charge les aspirations socio-économiques des jeunes et leur «soif de s’exprimer librement».
Pour lui, «l’émeute étant devenue, ces derniers temps, un moyen de gestion», estimant qu’il est «impératif» que les différents acteurs de la vie politique et sociale du pays (partis politiques, y compris ceux de l’opposition, syndicats et associations) s’impliquent dans «un processus de socialisation d’une jeunesse délaissée et laissée à son compte».
De son côté, l’universitaire Tayebi Mohamed, enseignant à l’Institut de sociologie d’Oran, a expliqué le recours des jeunes à la violence pour s’exprimer par « la fermeture des espaces publics et l’absence de canaux qui gèrent la tension sociale ». Déplorant l’absence d’études « sérieuses » sur les phénomènes sociaux, le Dr. Tayebi a souligné toutefois qu »‘il faut relativiser les analyses hâtives des spécialistes ». C’est ainsi qu’il a reconnu que ses interprétations sur les récentes émeutes « ne peuvent dépasser le stade de l’hypothèse ».
Il a indiqué, à cet effet, que « cette violence pourrait être le fait d’une jeunesse qui frappe à la porte de l’histoire sociale, pour marquer sa présence et arracher une place dans la société ». « Ces portes étant souvent fermées, ils recourent à la violence pour les forcer », a-t-il expliqué.
Le chercheur au niveau du Centre de recherche en économie appliquée et développement (CREAD), Mohamed Saib Musette, a affirmé, pour sa part, qu’il ne faut pas partir avec l’idée que toute la jeunesse algérienne « est versée dans la violence ».
Pour lui, il y a une seule catégorie de jeunes qui se sont exprimés à travers ces émeutes violentes, expliquant que le recours à cette violence « est le seul moyen que maîtrise cette frange de la jeunesse algérienne ». « La violence éclate quand il n’y a pas de normes », a-t-il encore expliqué, précisant qu’en Algérie, « la jeunesse fait face au phénomène de désacralisation des normes ».
« Exclus de tous les avantages sociaux, forcément cette frange de la jeunesse recourent à la violence pour s’exprimer », a-t-il encore souligné. « Ce qui désole encore, a-t-il dit, que les jeunes fonctionnent comme des employés et ils ne vivent pas leur juvénilité ».
Pour sa part, le Dr Bahloul Mohamed, économiste et directeur de l’Institut de développement des ressources humaines (IDRH), pense que la violence constatée dans les émeutes des jeunes en Algérie « est l’expression de l’échec d’un modèle économique de développement ».
« Le modèle social est vraiment en panne », a-t-il ajouté, soulignant que « les réformes économiques devaient ressusciter l’espoir et ouvrir de nouvelles perspectives pour les jeunes mais ce qui s’est produit est bien le contraire, à savoir la désintégration et l’exclusion ». « Le chômeur en Algérie est jeune, diplômé et urbain », a-t-il noté, estimant qu »‘il s’agit d’un mélange détonant ».

Elwatan.com

le 20.01.11 | 03h00
LADDH, SNAPAP, CLA, SATEF et CNES planchent sur la crise
La société civile prépare la riposte

La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (Laddh) version Bouchachi organise, demain vendredi, à la Maison des syndicats de la capitale, conjointement avec quatre syndicats autonomes – Snapap, CLA, Satef, Coordination sections CNES – une rencontre nationale pour «débattre de la situation actuelle et des moyens à mettre en œuvre et des actions à mener pour empêcher la marginalisation d’un nombre de plus en plus important de jeunes et, par la même occasion, empêcher que le pays ne s’enfonce encore plus dans le chaos».
Au-delà de l’importance de son ordre du jour, ce rendez-vous a surtout le mérite de rassembler des organisations de la société civile issues d’horizons divers autour d’un thème éminemment politique. En dehors des alliances conjoncturelles qui les ont liés sur, par exemple, la question des salaires ou des libertés syndicales, les syndicats autonomes ne se sont, en effet, presque jamais avancés sur un terrain autre que le leur.

A l’instar du monde politique, les nombreuses tentatives de constituer un front syndical libre en Algérie ont, pour une raison ou pour une autre, toujours avorté par le passé. Le fait qu’aujourd’hui autant de syndicats soient parvenus à s’unir autour d’un «SMIG» politique et social peut laisser penser qu’une prise de conscience s’est produite au sein de la société civile. A ce propos, Rachid Malaoui, le président du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap) s’est félicité, dans une déclaration faite hier à El Watan, que les participants à cette rencontre, qu’il a qualifiée d’«importante», n’aient pas fait dans le corporatisme et se soient sentis interpellés par la situation catastrophique qui prévaut actuellement dans le pays.

Colère de la jeunesse
Evoquant les dernières émeutes qui ont secoué de nombreuses grandes villes du pays et l’état d’extrême détresse dans lequel se trouve la jeunesse algérienne, M. Malaoui fera savoir que les cinq signataires de l’appel plaidant en faveur de la tenue d’une telle rencontre conviennent tous «que l’on ne peut pas laisser les choses en l’état» et s’accordent tous sur le fait qu’«il est urgent de faire quelque chose». «Avec le temps, tout le monde a compris que le changement viendra non pas du pouvoir mais de la société civile. Par ailleurs, nous ne pouvons plus agir comme s’il ne s’était rien produit», a expliqué notre interlocuteur, avant d’ajouter que leur action consiste aussi à accompagner et à donner du contenu à la colère de la jeunesse. Même si Rachid Malaoui s’est voulu très prudent et s’est refusé à anticiper sur les résultats des débats qui auront lieu vendredi, il dit espérer tout de même que «malgré la diversité de nos préoccupations, de nos champs d’intérêt et des différends qui peuvent exister, pouvoir montrer la maturité qui doit absolument nous habiter afin de dépasser les clivages et par la même fédérer les efforts pour la construction d’un avenir meilleur pour les Algériennes et Algériens».
Dans un communiqué rendu public mardi, la Laddh, le Snapap, le CLA, le Satef et le CNES ont néanmoins annoncé la couleur et donné une idée sur la direction dans laquelle iront les débats de vendredi. Connues pour leur engagement pour la défense des libertés et des droits de l’homme, les cinq organisations ont demandé «à ce que soient libérés ceux qui sont considérés comme ’émeutiers’ car ceux qui ont contribué, par leurs décisions et actes de gestion autoritaire, à fabriquer les ‘émeutiers’ sont les premiers à devoir comparaître devant la justice».
Elles exigent, par ailleurs, la levée de l’état d’urgence et l’ouverture du champ médiatique, politique, syndical et associatif «afin que les conflits puissent être réglés par la force d’un droit qui prend en charge les intérêts et les préoccupations de la majorité de la population et non pas par le droit d’une force qui protège les intérêts d’une minorité».

Zine Cherfaoui

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