Algérie, une seconde révolution? (16)

12 avril 2011

Lu pour vous dans EL WATAN

Le 15/04/2011 (En a- parte)

Sofiane Rabia et Azouz Lounis : «Nous avons réalisé quelque chose d’extraordinaire, et ce n’est que le début»

Malgré l’abrogation du décret présidentiel relatif à la grille indiciaire des régimes de rémunération des fonctionnaires, les étudiants ne décolèrent pas. Mardi, ils ont répondu massivement à l’appel à la marche lancé par la Coordination nationale autonomes des étudiants. Désormais, c’est une réforme de l’enseignement supérieur que demandent les étudiants.

Sofiane Rabia et Azouz Lounis sont Membres du Comité autonome des étudiants de l’Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ex-INPS).

-La journée de mardi a été qualifiée d’«historique» ! Quelles sont vos impressions, deux jours après ?

Sofiane. Le matin, un nombre important d’étudiants des différentes écoles et universités s’est rendu devant la Grande Poste. Nous sommes restés bloqués pendant un certain temps, mais le nombre impressionnant d’étudiants ayant répondu à l’appel de la Coordination nationale autonome des étudiants nous a permis de franchir le premier barrage de sécurité. Personnellement, je ne m’attendais pas à une telle mobilisation. Il était convenu que la marche ait lieu de la Grande Poste jusqu’au Palais du gouvernement, mais face au dispositif sécuritaire très important, nous avons changé notre trajectoire et nous nous sommes dirigés vers la Présidence, où on a pu brandir nos slogans mais où, malheureusement, plusieurs étudiants, dont moi-même, ont été matraqués et malmenés. Nous sommes tout de même arrivés à réaliser quelque chose d’extraordinaire et à briser un tabou. Une marche pacifique et sans débordement aucun. La marche a réussi.

-Vous avez, depuis février, fait grève, tenu des sit-in et même tenté des marches, qui ont toutes été empêchées…

Sofiane. Dès le début du mouvement, nous avons été très organisés. Cela a commencé par la création de comités autonomes représentatifs des étudiants au sein de chaque école et de chaque université. A l’Enssea, les étudiants ont élu eux-mêmes leurs 25 représentants. Tous les étudiants étaient éligibles. Le comité n’a bien évidemment pas de couleur politique bien que les membres du comité ont le droit de s’engager à titre personnel. Le comité est horizontal et n’a donc ni président ni secrétaire général. Nous avons des cellules aux tâches bien définies : une cellule de communication, une autre de rédaction et même de logistique. Chaque comité tenait des réunions et des assemblées générales avec l’ensemble des étudiants de l’école ou de la faculté qu’il représentait. Puis les délégués des comités autonomes de différentes écoles et facultés ont commencé à coordonner leurs actions. C’est le travail acharné des délégués, le contact et les réunions rassemblant les étudiants, tous systèmes et filières confondus, qui ont fait que le mouvement prenne cette ampleur. Les universités, qui ont vu nos actions, à savoir les sit-in tenus devant le ministère, la nuit du 27 au 28 mars qu’on a passée dehors ou encore la bastonnade à laquelle nous avons eu droit devant le ministère, nous ont ensuite rejoints. Nous avons prouvé notre aptitude à nous organiser en un court laps de temps.

-Où sont les syndicats d’étudiants agréés ? Est-ce leur absence qui vous a poussés à vous organiser et à créer une Coordination nationale autonomes des étudiants ?

Sofiane. Ces syndicats sont-ils légitimes ? Représentent-ils réellement les étudiants ? Qu’ont-ils fait concrètement sur le terrain ? Se sont-ils adressés aux étudiants ? Jusqu’à maintenant, ils n’ont absolument rien fait. Ils ne sont que les organisations satellites de la tutelle qui les instrumentalise. Le fait que ces syndicats s’opposent à nos actions ne m’étonne pas. Il faut dissocier la lutte syndicale du mouvement politique. Non seulement ces organisations sont absentes, mais quand elles agissent, c’est pour revendiquer la baisse du volume horaire des cours ou encore la baisse de la moyenne du rachat ! Nous représentons tout de même l’élite, nous ne pouvons accepter cela.

Lounis. Ils ont été mis en place par l’Etat pour accomplir une mission bien précise : détruire l’université algérienne et contrer la moindre initiative lancée par des étudiants qui ont envie de faire bouger les choses. De ce fait, le seul organisme susceptible de faire du vrai syndicalisme au sein des écoles, universités et cités universitaires sont les comités autonomes, les représentants légitimes des étudiants.

-Le mouvement s’est généralisé à l’échelle nationale, ce n’est plus donc une affaire de décret présidentiel ?

Lounis. L’université algérienne souffre d’une crise multidimensionnelle. Le mouvement qui a éclaté est la traduction d’un ras-le-bol général. Le décret présidentiel n’est que la goutte qui a fait déborder le vase. La grille de classification des diplômes a constitué le point de départ de notre mouvement. Nous avions, dès le début, une plate-forme de revendications dont l’abrogation du décret présidentiel faisait partie. Des revendications qui ont désormais changé puisque le mouvement s’est généralisé et a touché tout la territoire national. La CNAE a adopté une plateforme de revendications générale concernant à la fois les écoles et les universités. On demande maintenant une réforme effective et globale de l’enseignement supérieur, et que l’université algérienne renaisse.

-Le mouvement dure et gagne en intensité…

Lounis. C’est en ayant affaire au ministère que nous nous sommes rendus compte qu’il ne fallait surtout pas céder et qu’il fallait aussi appeler à une réforme. Quand le mouvement a commencé à prendre de l’ampleur, un premier communiqué a été publié par le ministère dans lequel il a été répondu à certaines de nos revendications, comme le maintien du diplôme d’ingénieur d’Etat et du magistère, ainsi que l’élaboration de passerelles entre le système classique et le LMD. Or, la loi d’orientation de 2008 stipulait déjà ce dernier point. Pourquoi avoir attendu trois ans et un mouvement estudiantin pour commencer à réfléchir à la question ? Ladite loi mentionnait le recours à des experts internationaux afin d’élaborer ces passerelles. Ce ne sont pas nos simples suggestions qui vont aider le ministère à faire cela.

A la sortie de la réunion, le ministre nous a fait savoir qu’il fallait nous contenter de ce PV de réunion et que nous n’aurions rien d’autre ! C’est de cette façon que l’élite algérienne est traitée. Nous avons alors expliqué aux étudiants que ces réunions du ministère et l’abrogation du décret n’étaient qu’une manœuvre visant à tromper l’opinion estudiantine et à réduire nos revendications à la simple question des correspondances des diplômes. Le problème est bien plus profond et les étudiants l’ont bien compris. C’est pour cela que nous sommes passés à l’étape supérieure et que nous appelons aujourd’hui à une réforme globale et réelle de l’université, à un enseignement de qualité donc. Pour cela, il faudra allouer les moyens budgétaires, pédagogiques et scientifiques nécessaires. Des moyens qui existent, mais qui sont détournés. On connaît tellement le système, les gens ont conscience de se qui se passe.

-Justement, d’autres slogans ont fait leur apparition cette fois-ci. Le mouvement est-il en train de se politiser ?

Lounis. Ces slogans ont été scandés de manière spontanée. Les étudiants, qui étaient en train de réaliser une chose extraordinaire, marcher à Alger, se sont un peu emportés. Les slogans «Ulac smah ulac» et «Pouvoir assassin» étaient surtout une réaction au comportement de la police qui utilise la force pour les empêcher d’avancer. On ne peut pas contrôler tous les détails dans un mouvement aussi important, une foule ne raisonne pas, encore moins quand elle a un dispositif sécuritaire aussi important en face d’elle.

Sofiane. Il ne faut pas oublier que, dès le début du mouvement, les étudiants font grève et se rassemblent devant le ministère ; ils s’opposent au pouvoir. Au départ, on tenait à ce que les revendications soient purement estudiantines. Cela reste du syndicalisme. Mais pour répondre à nos revendications légitimes, l’Etat a eu recours à la force et aux forces de police. C’est à ce moment-là que le mouvement a commencé à se radicaliser et à se politiser davantage. On a eu affaire à ce ministère pendant deux mois et nous sommes convaincus maintenant de son incompétence. Il est normal à ce moment-là d’appeler à son départ et de scander «Harraoubia dégage !».

-Les Tunisiens ont donné un nouveau sens à ce terme «dégage !». Finalement est-ce qu’une réforme de l’université passe nécessairement par un changement du système ?

Lounis. Je m’exprime à titre personnel en répondant oui à cette question. Mais les étudiants jusque-là n’ont adressé de message qu’à leur tutelle seulement. Aussi, les étudiants espéraient obtenir gain de cause plus rapidement. Ils ont eu la bastonnade comme réponse ; ils ont réagi en conséquence. Cela a commencé avec un mouvement purement estudiantin, aujourd’hui nous en sommes à «Harraoubia dégage !» Si le ministère continue à faire la sourde oreille à nos revendications légitimes, cela peut mener à une révolte populaire bien que nous n’appelons pas, en tant que Comité autonome d’étudiants, à cela. Mais les Algériens ne peuvent pas rester indifférents à ce qui se passe chez leurs voisins. Il ne faut pas oublier que ce sont toujours les jeunes, les étudiants, les chômeurs diplômés qui sont à l’origine d’une révolte populaire. Cela fait deux mois que les responsables nous font chanter et nous menacent soit avec la matraque, soit avec le spectre de l’année blanche. J’ai perdu ma vie monsieur le ministre, perdre une année ne m’effraie pas.

-Jusqu’où peut aller le mouvement ? Peut-il aller jusqu’à la démission du ministre? Qu’en est-il du spectre de l’année blanche?

Lounis. Beaucoup d’étudiants craignent l’année blanche, mais nous sommes là pour les convaincre que le changement est impératif. Nous pouvons trouver une solution rapidement pour l’éviter. L’université algérienne a déjà reçu deux avertissements. Les responsables mènent une politique à long terme visant à détruire l’université et à abrutir le peuple. Cela ne peut plus durer, un changement est impératif et il doit passer par nous.

-20 000 étudiants algériens se trouvent actuellement en France. En 2010, 14 500 dossiers d’inscription ont été traités et 5000 visas d’études ont été délivrés par la France…

Sofiane. Je suis sûr que cette année ce sera le double ! Certains pays sont prêts à accepter ces étudiants et à leur garantir des conditions convenables. Rien n’est fait pour empêcher la fuite des cerveaux. Bien au contraire, on nous pousse à partir. L’avenir est bouché dans ce pays.

Lounis. Je crois quand même qu’il est bon de partir en formation mais avec l’intention de revenir. Ce pays a besoin de nous. Je reprends la citation de Tahar Djaout : «Il y a deux famille dans ce pays, la famille qui avance et la famille qui recule.» Les étudiants doivent s’inscrire parmi celle qui avance. Il y a tant de choses à faire dans ce pays. Nous avons déjà réalisé quelque chose d’extraordinaire, et ce n’est que le début…

Bio express :

Sofiane Rabia, 23 ans, de Bouira, est étudiant en 5e année à l’Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ex-INPS), option conjoncture économique et perspectives. Azouz Lounis, 22 ans, habite Alger. Il est étudiant en 4e année dans la même école, option finance et actuariat. Tous deux membres du Comité autonome des étudiants de leur école depuis sa création, ils ont appelé et ont participé à toutes les actions de protestation menées par les étudiants depuis le début du mouvement en février.

Mahdia Belkadi


Le 14 /04/2011

Rassemblement des familles de disparus

Le rapporteur onusien était présent

Le rapporteur spécial de l’ONU pour la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, poursuit ses contacts avec les représentants de la société civile en Algérie. Après des rencontres avec des officiels et des représentants des médias, il a assisté, hier, au rassemblement hebdomadaire des familles de disparus à Alger.


En effet, M. La Rue et sa délégation ont fait le déplacement jusqu’à la place Addis-Abeba, à Alger, pour écouter les représentants de ces victimes de la tragédie nationale qui continuent de réclamer la vérité sur le sort de leurs enfants et parents, enlevés selon eux par les services de sécurité. L’événement est important pour les protestataires. C’est la première fois depuis le début de leur mouvement de contestation que les familles de disparus reçoivent une telle visite. Et c’était l’occasion pour eux de lui exposer leur épineux problème et de dénoncer la répression policière dont ils sont victimes.

«Nous l’avons invité à constater de ses propres yeux ce que nous subissons. Nous voulons lui montrer la réalité des familles de disparus», affirme Hassan Ferhati, représentant du collectif SOS Disparus. «Regardez, monsieur ! Ils (les policiers) viennent de nous malmener», lancent les protestataires à l’adresse du rapporteur de l’ONU et des membres de sa délégation, arrivés sur les lieux vers 12h30. «Ils nous tabassent à chaque fois. Pourtant, nous demandons seulement notre droit à la vérité et la justice», déclarent les protestataires en brandissant les portraits de leurs proches disparus.
Et la délégation onusienne d’écouter. Frank La Rue s’est entretenu longuement avec Nassira Dutour, porte-parole de SOS Disparus. «Je suis en train d’écouter tout le monde.

Je dois rendre public mon rapport à la fin de ma mission et j’animerai une conférence de presse le 17 avril», déclare-t-il. En arrivant à Alger, dimanche dernier, le rapporteur de l’ONU avait précisé que cette visite lui permettrait d’avoir une idée précise de la situation des libertés dans le pays : «Cette mission sera l’occasion pour moi de me forger une opinion éclairée sur la liberté d’opinion et d’expression en Algérie, en me permettant de recueillir des informations de première main auprès des personnes concernées.» Il est à signaler que les représentants des familles de disparus ont entamé leur rassemblement à 11h, devant la Caisse de retraite dont le siège est situé à quelques mètres de la place Addis-Abeba. Vers 11h30, ils ont tenté de se rapprocher davantage du siège de la commission Ksentini, avant d’en être empêchés par la police.

Madjid Makedhi


Le 13/04/2011

Campus France

20 000 étudiants algériens déjà en France

Le budget de la coopération et l’action culturelle franco-algérienne est de l’ordre  de 10 millions d’euros en 2011.


La plus importante enveloppe financière de coopération culturelle de par le monde. L’action de coopération française culturelle en Algérie, ce sont cinq centres culturels à Alger, Oran, Annaba, Constantine et Tlemcen, 9000 étudiants algériens en cours de langue française, 1500 dossiers dans le cadre de l’espace Campus France, et ce, pour un éventuel cursus universitaire français.
En 2010, 14 500 étudiants ont passé un entretien pédagogique avec un conseiller, 40 doctorants algériens sont dans une université française et 89 maîtres assistants sont en cours de finalisation de thèse dans un laboratoire français ; 5027 visas de long séjour pour étudiants ont été délivrés, 20 000 étudiants algériens sont déjà en France, dont 300 boursiers du gouvernement français (Proface).
En outre, il existe 600 accords et conventions entre les universités françaises et algériennes (soit une à deux conventions mixtes pour chaque université en Algérie).

K. Smail

Coopération et action culturelle française en Algérie

Le budget le plus élevé du monde

Interactivité, échange, qualité et intensité, tels sont les maîtres mots qualifiant la coopération algéro-française et ressortant de la conférence de presse donnée hier matin à la Villa Clarac d’El Mouradia, à Alger, portant sur la coopération et l’action culturelle de l’ambassade de France en Algérie.


Animée par l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt et Jöel Lescaux, conseiller de coopération et d’action culturelle, la conférence de presse portait sur les grandes lignes du service de coopération et d’action proprement dit (une fine équipe de 20 agents) et la philosophie de l’action culturelle. Ainsi, la France est le premier partenaire de l’Algérie dans le domaine des relations universitaires, scientifiques et culturelles. La coopération franco-algérienne dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche représente plus de la moitié des crédits alloués au secteur de la coopération par le ministère des Affaires étrangères et européennes, soit près de 6 millions d’euros. Le budget de la coopération franco-algérienne est de l’ordre de 10 millions d’euros pour 2011, la plus importante enveloppe financière de coopération culturelle de par le monde.

Diplomatie culturelle

Faisant le point sur l’action culturelle et de coopération en Algérie, M. Driencourt a fait remarquer : «La diplomatie, ce n’est pas uniquement des relations politiques. Les relations algéro-françaises sont multiformes et variées. Des relations économiques, consulaires… Les relations culturelles ont un aspect important entre les deux pays. La diplomatie culturelle, une spécificité, une tradition, une part importante en France, actuellement en phase de réorganisation. Une grande réforme de notre action française travaillant au rayonnement de la culture française.» Embrayant dans le même sens, Jöel Lascaux indiquera à ce même propos : «Les mots exprimant cela sont intensité et qualité… Ce qui me frappe, ce sont des relations très affectives, d’échanges professionnels. C’est une coopération d’Etat à Etat. Par exemple, 600 conventions universitaires. C’est le sédiment de la relation algéro-française. Un cofinancement mixte dans tous les champs disciplinaires.»

Désormais, c’est l’Institut français

Une nouveauté pour 2012  les centres et autres offices culturels français en Algérie se substitueront à l’Institut français placé sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères. Il sera chargé de la politique culturelle extérieure de la France (promotion à l’étranger de la culture française, promotion et diffusion des œuvres audiovisuelles, diffusion de la langue française…), et ce, en application d’une loi promulguée le 27 juillet 2010, par Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères et européennes. «Il s’agit de fédérer ces offices culturels français sous le label Institut français. C’est une  loi réorganisant ce dispositif administratif pour être plus visuel… Et Joël Lascaux sera le directeur de l’Institut français en Algérie», a dévoilera  M. Driencourt.

Par ailleurs, le Centre culturel français de Tizi Ouzou pourrait rouvrir. «Le Centre culturel français à Tizi Ouzou existe juridiquement. Je m’y suis rendu, il y a quelques jours, pour voir si l’on peut le réactiver», a annoncé l’ambassadeur de France.
Parmi les actions agissantes du service de coopération et d’action culturelle, la participation à l’événement culturel «Tlemcen, capitale islamique», à travers des expositions, des conférences… ainsi que des projets avec le Théâtre national algérien et une grande conférence universitaire à Marseille, en octobre 2011 et une autre, méditerranéenne, en 2013. La priorité est donnée à la formation continue, notamment celle de la presse écrite et audiovisuelle, la coopération décentralisée comme celle entre la ville de Paris et l’APW d’Alger quant à la réhabilitation du Jardin d’essai ou encore les jumelages de dynamiques entre Annaba et Dunkerque ou Constantine et Grenoble.

K. Smail

Lu pour vous dans EL Watan

le 12.04.11

Les étudiants brutalisés par la police

La matraque devant la Présidence

Près d’un millier d’étudiants des grandes écoles ont été tabassés par la police, hier, à quelques mètres de la présidence de la République à El Mouradia.


Le bilan final fait état d’une vingtaine de blessés parmi les manifestants dont cinq dans un état grave. Plusieurs étudiants ont été arrêtés pendant plusieurs heures avant d’être relâchés. Les scènes de confrontation entre les étudiants surchauffés et les brigades anti-émeute ont duré toute une journée. Répondant à l’appel de la coordination des grandes écoles, les étudiants en ingéniorat de différentes spécialités se sont rassemblés, à partir de 10 h, à quelques pas du palais présidentiel pour tenir leur sit-in. Cela a fait réagir les policiers, présents en force. Les instructions étaient claires : empêcher les étudiants de se rapprocher de la Présidence.

Encerclés au niveau de la ruelle Alem Abderazak par un important cordon de sécurité, les jeunes révoltés ont scandé, haut et fort, des slogans hostiles au ministre de l’Enseignement supérieur : «Harraoubia dégage», «Nous sommes des étudiants, pas des voyous», «On en a marre de la hogra» ou encore le fameux : «Ulach smah ulach (pas de pardon)». Ils ont interprété plusieurs chants patriotiques, adaptés à leur cause. Les pancartes et les banderoles brandies n’étaient pas moins expressives. On lisait : «Pour une Algérie meilleure, rendez le droit aux ingénieurs», «Où va l’université ?» et «Calcul à la con : 5=3», résumant le point qui les exaspère le plus. C’est-à-dire la classification à la même catégorie d’une licence du système LMD et d’un ingéniorat du système classique. «Notre revendication principale est simple. Puisque la tutelle a abrogé le décret, qu’on nous donne alors un écrit. La seule chose qu’on demande c’est d’annuler le texte égalant entre une licence et un ingéniorat.

Le ministère nous a promis de régler ce problème durant les conférences régionales et lors de la conférence nationale, mais il refuse de nous donner des assurances», a précisé Abed Mahfoudh, délégué de l’Ecole supérieure d’informatique (ESI). «Ils ont annulé le décret et pas les décisions qu’il comportait», a rétorqué Samir, étudiant à l’Ecole nationale supérieure des statistiques et de l’économie appliquée (ENSSEA). «Nous sommes ici pour répondre au ministre qui prétend que 99% de nos revendications ont été satisfaites», a ajouté un autre étudiant. Impatients et agacés par ce qu’ils ont qualifié de «provocations». A l’arrivée d’un renfort des forces de l’ordre, les étudiants ont tenté de forcer le cordon de sécurité.

Vers midi, les manifestants réussissent leur coup. Ils ont bloqué l’avenue de Pékin, menant à la Présidence, pendant près de deux heures. Devant la persistance des étudiants à atteindre leur destination prévue, en l’occurrence la Présidence, les policiers ont dispersé la foule. Plusieurs étudiants ont été malmenés, d’autres ont été tabassés. T-shirt jaune, cartable au dos et carte d’étudiant à la main, Boualem, conduit dans un véhicule de police, n’avait que sa gorge pour crier sa douleur en encaissant une correction honteuse de la part des policiers. Affaiblis et dispersés, les étudiants ne pouvaient même pas quitter les lieux. Des bus de l’Etusa ont été réquisitionnés par la police, en plus des bus universitaires pour déloger les protestataires qui ont osé dénoncer une décision ministérielle.

L’appui du MDL :

Le Mouvement pour les droits et libertés (MDL) apporte son soutien aux étudiants dans leur lutte pacifique. Dans une déclaration rendue publique, hier, et signée par Abdeslam Ali Rachedi, Ali Brahimi, Tarik Mira, Hamid Ouazar et Yasmina Si Abderrahmane, le MDL considère que «les droits sociaux et les droits politiques sont intimement liés».

Ce mouvement, né dans la foulée de la contestation sociopolitique, soutient la marche des étudiants, aujourd’hui à Alger. «La manifestation nationale
du 12 avril (aujourd’hui, ndlr) doit être une démonstration de force, celle de la conviction face à la ruse, de la détermination face au refus», lit-on dans la même déclaration.  R. N.

Samir Ghezlaoui

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