Les Rebelles aux 17émes Rendez-vous de l’Histoire

14 octobre 2014

Rebelle, une profession?

La « bronca » d’intellectuels contre le choix de Marcel Gauchet pour la conférence inaugurale des Rendez-vous de l’Histoire sur « Les Rebelles » aura été emblématique de l’importance que prend cette qualification dans notre société française où il est de bon ton de se dire rebelle et de le faire savoir.

 

Si cultiver sa différence par médias interposés peut faire un rebelle à peu de frais, la qualification de « rebelle » conférée par une œuvre, une action ou un engagement d’importance enfermerait ses détenteurs dans une sorte de statut dont la règle serait de ne point varier. Le paradoxe de cette proposition aura probablement échappé aux protestataires indignés. Mais leur ardeur a fait long feu et, comme l’ont montré, à Blois, la plupart des conférences, des tables rondes, des ateliers ou des représentations, le mot « rebelle » va bien au-delà d’une posture à la mode.

 

Il se décline de plusieurs façons à partir de son sens étymologique : celui qui refait la guerre (*re–bellum).

Relançant la guerre à laquelle la loi avait mis un terme en imposant la force du droit (ou de ce qui est considéré comme tel dans tel pays à telle époque), le rebelle est dit insoumis, dissident ou hors-la-loi quand il lui fait violence. Mais lui-même se dit résistant puisqu’il s’oppose à la contrainte qu’exerce cette loi. C’est le titre revendiqué par Zabana dans le film éponyme de Saïd Ould-Khelifa.

L’adolescent rebelle est en lutte contre un monde qui ne répond pas à son attente comme ces « rebelles sans cause » que sont déviants ou marginaux. Le rebelle solitaire est révolté contre un ordre injuste. Regroupés, les rebelles peuvent constituer une rébellion comme celle des femmes d’Athènes à la suite de Lysistrata, celle des esclaves à Rome, des mineurs de Germinal ou des colonisés un peu partout dans le monde. Et les rébellions qui radicalisent leurs revendications de façon structurée sont l’œuvre des révolutionnaires.

Mais la violence qui accompagne généralement les révolutions pose la question des moyens employés pour faire advenir une organisation nouvelle conforme à l’attente de tout ceux qui se sont rebellés contre l’injustice ou pour leur liberté.

 

Les grands mythes nous ont appris qu’il y avait peu d’écart entre Lucifer et Méphistophélès, entre le premier rebelle dit « Porteur de lumière » et « l’Esprit qui toujours nie » jusqu’à l’humain lui-même, « car rien n’existe en ce monde qui ne mérite d’être détruit ».

De l’homme révolté à la pensée de midi c’est toute la réflexion de Camus sur cette question des limites et sur « l’intransigeance exténuante de la mesure » qu’a rappelée le beau film d’Abraham Ségal projeté aux Lobis Quand Sisyphe se révolte. Reconnaissant la nécessité parfois de la violence mais condamnant le terrorisme, l’auteur des Justes dit sans ambiguïté: « ni victimes ni bourreaux ». Le meurtre de l’innocent condamne la cause la plus juste : « quelle que soit la cause que l’on défend elle restera toujours déshonorée par le massacre d’une foule innocente ».

 

Etudier les rebelles en contexte historique et en pointer les dérives – rebellocratie ou terrorisme – en appelle donc à l’éthique.  Et c’est l’un des grands intérêts de ces Rendez-vous de Blois que de permettre cette ouverture en convoquant des disciplines, des réflexions et des pratiques aussi différentes de l’analyse historique que le sont la poésie, le roman, le théâtre ou le cinéma et en déclinant des exemples pris dans l’Histoire qui donnent à penser ou repenser un problème de notre temps.

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