Lu pour vous dans EL WATAN
le 25.09.11
Monde Arabe : Vers des transitions démocratiques ou des autocraties sans autocrates ?
Quel avenir pour les changements enclenchés ou pour les réformes engagées ? Telle est la question à laquelle ont tenté de répondre, ou tout du moins de discuter, les participants au panel «Vers des transitions démocratiques ou des autocraties sans autocrates ?», autour du président de séance, Fouad Abdelmoumni, consultant international en micro-finances, et acteur de la société civile marocaine.
Sophie Bessis, historienne et directrice de recherches à l’IRIS, s’est penchée sur la période transitoire en Tunisie. A moins d’un mois des élections, un état des lieux a ainsi été donné par l’historienne, ainsi qu’un aperçu des enjeux de cette échéance cruciale.
« L’on a assisté à une prise de parole généralisée, à un syndrome de la table rase, d’où le choix de la constituante et l’envie d’une nouvelle constitution », a-t-elle expliqué.
Le plus grand danger qui guette ce pays n’est pas, selon Mme Bessis, la restauration autoritaire. L’un des risques qui pèsent sur ces élections sont l’éclatement des grands pôles politiques et leur fragmentation, ce dont ne pourra tirer avantage que le parti le mieux organisé, Ennahda en l’occurrence. Quels seront les enjeux de cette transition qui durera près d’une année ? « Le débat sur l’identité, la question centrale des femmes et la préservation du corpus de droits déjà présents, ainsi que le débat économique et social, qui aboutira au choix du modèle économique et social que la Tunisie va adopter ».
De transition il a aussi été question dans l’intervention de l’égyptien Tewfik Aclimandos, politologue, chercheur invité au Collège de France.Il abordé le rôle des services de sécurité dans les périodes anté-Moubarak et post-Moubarak. Et le malaise est palpable pour la police, qui se sait haïe par les citoyens, et qui est entrée, depuis des années, dans une corruption et des abus généralisés. Pour l’armée, la situation semble être différente, car s’étant quelque peu tenue à l’écart du régime Moubarak.« L’on sous-estime le fait que l’armée a pris le parti des révolutionnaires durant les manifestations. Je ne pense pas que l’armée ait défendu ou défend le pouvoir. L’armée protège-t-elle ses propres intérêts ? Je pense qu’elle défend les intérêts de l’Etat », a estimé M. Aclimandos.
L’exception marocaine ?
Il y a-t-il une exception marocaine quant à ces tsunamis démocratiques? « Le particularisme marocain est dû à de nombreux facteurs, historiques et autres. Mais force est de constater que le mouvement du 20 février, qui n’émane pas de partis politiques ou de syndicats, ne demande pas le départ du Roi Mohamed VI, ou encore la fin de la monarchie, mais il a été demandé des réformes », a assuré Khadidja Mohcen, politologue, chercheuse à l’IRIS. Selon elle, il a été question de revendications ayant trait à l’accès, à la justice sociale, éducation, santé, liberté, etc. Seulement, le Roi n’a pas ouvert le dialogue, et n’a laissé aucune place à la négociation. « La réforme constitutionnelle a été mise au centre, examinée par une commission indépendante, représentant la société, et étant un intermédiaire entre le Roi et la société », a expliqué Mme Mohcen.
Point de vue que ne partage pas du tout Aboubakr Jamai, journaliste marocain. Et si Mohamed VI a annoncé une ouverture des champs médiatiques, M. Jamai affirme que dans la pratique, les choses sont différentes. « En tant que directeur de publication, j’ai pu constater la différence entre le règne de Hassan II et de Mohamed VI. Et il y a eu une réelle régression depuis que ce der est au pouvoir », a-t-il déploré. « Les seuls à avoir tiré profit du règne de Mohamed VI sont les hommes d’affaires, car les circuits économiques sont devenus des outils de pression et d’enrichissement pour le régime. Mais aussi et surtout, c’est un renouvellement des modes de contrôle des élites économiques », a-t-il accusé. Pour M. Jamai, « le régime marocain tient… pour l’instant du moins ». « La monarchie marocaine est légitime. Seulement, les sources de cette légitimation sont en train de s’épuiser… » prédit-il.
Ghania Lassal
Lu pour vous dans EL WATAN
Archives édition du 27/01/2011 Actualité
Rapport 2011 de l’OIT sur l’Afrique du Nord
«Mettre les jeunes au centre des préoccupations»
Le taux de chômage en Afrique du Nord est l’un des plus élevés du monde avec une estimation à 9,8% en 2010. La grogne sociale gagne – l’actualité en atteste – les pays d’Afrique du Nord.
Le principal motif de cette contestation est le chômage endémique qui touche les populations, particulièrement les jeunes. L’Organisation internationale du travail (OIT) revient, dans un rapport intitulé «Tendances mondiales de l’emploi 2011», sur le marché du travail dans cette région, dont les pays connaissent peu ou prou la même situation «inquiétante». Si dans le document des statistiques détaillées ne sont pas disponibles – l’OIT se basant sur les indicateurs de divers organismes, dont le FMI – les analyses déroulées reflètent un profond malaise régional similaire à toutes ces sociétés. «Même si la région a bien résisté à la crise» de par le fait que les marchés de la région ne sont pas intégrés dans les marchés internationaux, «les défis du marché du travail existant de longue date, tels que le chômage élevé et la faible participation des femmes au marché du travail, demeurent», précise l’OIT.
Ainsi, le taux de chômage en Afrique du Nord demeure l’un des plus élevés au monde avec une estimation à 9,8% en 2010.
Quelles en sont les causes ? «Un taux d’activité des femmes très faible, une trop grande dépendance à l’égard du secteur informel pour la création d’emplois, la lenteur des progrès réalisés vers la réduction de la pauvreté au travail et la forte prévalence de l’emploi vulnérable», énumère l’organisation. Ce taux, globalement en hausse, résulte avant tout du taux de chômage des jeunes extrêmement élevé estimé à 23,6% en 2010. Et si les jeunes Nord-Africains sont durement touchés par la rareté d’opportunités d’embauche, la frange qui en pâtit le plus est la gent féminine.
«La partie émergée de l’iceberg»
«La situation est pire pour les femmes que pour les hommes, puisque, selon les estimations, le taux de chômage en 2010 était de 15% chez les femmes contre 7,8% chez les hommes», avance l’OIT. «Autrement dit, moins d’un quart de la population totale de femmes en âge de travailler a effectivement un emploi, le potentiel que représentent les 75% restants, en mesure de contribuer à la croissance économique, n’étant pas exploité», explique l’OIT. Et ce nombre élevé de chômeurs, tout spécialement les jeunes et les femmes, n’est que «la partie émergée de l’iceberg». Parmi les emplois existants, beaucoup sont de faible qualité, sous-payés, précaires et ne respectent ni les normes fondamentales du travail ni le droit de représentation des travailleurs. Quelles sont les principales causes de la permanence de ces considérables déficits ? «La croissance économique ne crée pas des emplois d’une qualité suffisamment élevée, le taux intenable de croissance démographique étant manifestement devenu un fardeau», répond le rapport.
«Une génération perdue»
Mais pas seulement. Car l’inadéquation entre les compétences exigées et celles offertes par les personnes jeunes va croissant. «On peut le voir, par exemple, dans les taux de chômage élevés ou en hausse de titulaires de diplômes universitaires», est-il ajouté dans le document. En effet, pendant que de nombreux jeunes se plaignent qu’ils seraient disposés à travailler s’ils savaient où trouver un emploi, de nombreuses entreprises déplorent, dans le même temps, de ne pas parvenir à trouver des jeunes disposés à travailler. De même, ce que propose le marché du travail est très éloigné des attentes des jeunes à la recherche d’un emploi. Ainsi, ces jeunes sont qualifiés par l’OIT de «génération perdue». Des citoyens qui auront d’autant plus de mal à trouver un poste à mesure qu’ils demeureront longtemps au chômage de par l’érosion de leurs compétences et de leur motivation. «Il faut donc véritablement mettre la jeunesse au centre des préoccupations dans la région», préconise l’OIT. De même, le renforcement des institutions en charge du dialogue social «pourrait contribuer à favoriser une attitude plus positive», conclut l’organisation.
Ghania Lassal