Général du Barail – Mes Souvenirs

Général du Barail – Mes souvenirs (Librairie Plon 1897)

Le Général du Barail dédie ses Souvenirs à « Mes vieux camarades d’Afrique ».

Issu d’une race de soldats voués au culte de Napoléon, comme il le souligne lui-même dès le début de l’ouvrage, du Barail naît à Versailles le 28 mai 1820, et sera soumis aux aléas politiques que subit son père. Exilé, puis réintégré dans les cadres de l’armée, celui-ci fut en effet envoyé à Oran en 1833.

En 1835, il retourne en Afrique avec toute sa famille et le jeune du Barail aborde ce pays à l’âge de 15 ans ; il ne le quittera que 20 ans plus tard.

Il est frappé par l’aspect espagnol que garde la ville d’Oran, et son adolescence sera bercée par les récits des expéditions pour réduire les populations indigènes.

Il comprend déjà les enjeux de cette conquête, l’état de « divisions intestines… soigneusement entretenu par les Turcs, au profit de leur domination. » Il met l’accent sur les deux grands partis : le parti aristocratique des tribus Maghzen au service des Turcs et le parti théocratique, prétendant descendre du Prophète et dont le chef n’était autre que le grand Abd-el-Kader. Les deux partis se livraient une lutte implacable arbitrée par la France.

Ses souvenirs s’égrènent au fur et à mesure que se déroulent les batailles, les rencontres avec la population locale ou avec le célèbre Yussuf , la possession de son premier cheval ou le traité de la Tafna.

Enfin il entre lui-même dans la carrière en1839 et participe à la première vague de colonisation ; il note, à propos des premiers colons, que ce sont : « de pauvres diables, d’assez tristes pionniers de la civilisation », ou encore « des éléments révolutionnaires, des malheureux qui venaient de traverser la France par les canaux et les rivières en bateaux plats, et la Méditerranée sur des transports à voiles, lie ouvrière et non élite agricole », dont le pays avait besoin.

Il décrit l’installation des premiers villages de colonisation sur le mode de camp militaire, les difficultés d’adaptation d’une population française non préparée, les humiliations subies par la population arabe au moment de la promulgation du décret Crémieux en 1871 et ose même ces mots : « moi, je ne sais pas, mais je crois que je me serais soulevé, comme se souleva le noble Mokrani, renvoyant au gouverneur sa croix de commandeur et le prévenant loyalement de l’ouverture des hostilités . »

Il énumère ensuite les erreurs du gouvernement, la naïveté qui consiste à vouloir imposer son code, ses institutions judiciaires, bref :  « le Français s’occupe toujours des principes, et jamais des hommes. »

Il reconnaît les qualités guerrières de l’Arabe qui, dit-il, est « un soldat incomparable » et il conclut que « c’est bien de notre faute si nous n’avons pas su mieux utiliser les précieuses ressources qu’il peut fournir à notre puissance militaire. »

Ce futur ministre des armées analyse les modes de recrutement de l’armée et suggère de « faire tomber les barrières injurieuses qui ferment aux Arabes l’accès des grades supérieurs. »

Il ne peut être question ici de rendre compte de toute l’expérience algérienne et politique du Général du Barail, mais on ne peut qu’être frappé par une analyse précise et lucide des conditions de cette conquête, des erreurs de la France dès le début, qui ont ouvert la voie à tous les conflits et à tous les malheurs que l’on sait.