Lu pour vous dans EL WATAN
le 09.10.11
Familles de disparus : L’impunité dénoncée
Tous contre l’impunité», tel est le mot d’ordre du rassemblement tenu hier sur la place du 1er Mai, à Alger, par la Coalition d’associations de victimes des années 1990 qui regroupe le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), SOS Disparus, Djazaïrouna, Somoud.
Pendant deux heures, une centaine de femmes arborant les portraits de leurs enfants disparus, encerclées par un cordon policier, ont scandé des slogans hostiles au pouvoir. «A bas la répression, liberté d’expression», «Nos enfants sont notre cause et rien nous ne fait peur», «Non à l’impunité» et le célèbre slogan des révolutions arabes adapté à la situation devenu «Le peuple veut la vérité sur les disparus». Le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme, Farouk Ksentini, a eu droit à sa part de critiques. «C’est un menteur ! En 2009 il avait déclaré que l’Etat doit dire la vérité aux familles de disparus et maintenant il fait dans la calomnie. Il a peur de la vérité. Nacéra Dutour, qu’il accuse de vouloir instrumentaliser le dossier des disparus, est une mère d’un disparu qui a le droit de se battre pour connaître le sort de son fils», a dénoncé Hassan Ferhati, membre actif de SOS Disparus.
Si le rassemblement s’est déroulé dans le calme, néanmoins, un militant de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme a été interpellé puis relâché à la fin du sit-in. L’appel de la Coalition, qui a été signé par de nombreuses personnalités du monde intellectuel et politique, dénonce la charte dite pour la réconciliation nationale. «Avec cette charte, qui prône l’oubli et consacre l’impunité tant des groupes armés islamistes que des agents de l’Etat, le régime espère solder le passif humain du conflit des années 1990 par des indemnisations financières et ignore la revendication de vérité et de justice des familles de disparus et de victimes du terrorisme», dénoncent les organisateurs de la journée contre l’impunité en Algérie. La Coalition a organisé, hier à Paris, une autre manifestation pour dénoncer l’impunité, «levier incontournable de la lutte pour le changement et la démocratie en Algérie».
Hacen Ouali
Lu pour vous dans EL WATAN
le 07.10.11
Youcef Baâloudj.Journaliste, poète et blogueur
Les politiques tunisiens font confiance aux jeunes
Le titre est inspiré d’un poème de Nizar Qabani : Ala djabiniha thaoura oua kitab (sur son front une révolution et un livre). Le livre de Youcef Baâloudj, 24 ans, est petit et dense. Paru aux éditions Vescera à Alger, c’est le résultat de quatre voyages en Tunisie avant et après le 14 janvier 2011, date de la chute du régime de Ben Ali.
-Réaliser des interviews avec des acteurs de la révolution en Tunisie, dans la chaleur des événements, n’a pas dû être une entreprise facile pour vous. Comment l’idée a-t-elle abouti ?
Au départ, je ne voulais pas publier ces interviews sous forme de livre. L’idée s’est développée au fur et à mesure de l’évolution du travail. J’ai effectué deux voyages en Tunisie avant la révolution. J’ai écrit un reportage en deux parties que j’ai publié dans le supplément littéraire du quotidien national Al Yaoum. Après la chute du régime de Ben Ali, je suis reparti en Tunisie. Je n’avais pas prévu de réaliser un nombre aussi important d’entretiens, surtout que le pays traversait une période sensible d’après-révolution. Il était compliqué de fixer des rendez-vous avec les personnes que je voulais rencontrer. J’ai laissé cela au hasard, préférant collecter des informations pour un reportage. Je me suis dit que si j’avais l’occasion de réaliser des interviews, je le ferais…
-Et vous avez eu la chance de rencontrer rapidement les acteurs de la révolution à Tunis…
Absolument ! Les animateurs de la révolution se regroupaient pour des débats et des conférences pour discuter de l’évolution de la situation politique dans le pays. Certains partaient à l’étranger pour poursuivre le débat. Grâce à des contacts personnels, j’ai pu assurer sept rencontres. Devant l’abondance de la matière, j’ai eu l’idée de faire un livre. J’ai demandé conseil à Abderrazak Boukeba (écrivain, journaliste et consultant à la maison d’édition Vescera, ndlr). Il m’a tout de suite demandé de commencer le travail. Je me suis rendu compte que sept entretiens ne suffisaient pas. J’ai donc voulu en réaliser d’autres et me suis déplacé encore une fois en Tunisie. Revenu avec cinq autres entretiens, j’étais prêt à lancer le projet du livre. Al Jabiniha thaoura oua kitab ne comporte pas l’ensemble des interviews. J’ai laissé de côté celles qui ne cadraient pas avec le contexte du livre…
-Pour vous, ce n’est pas une première expérience en termes d’écriture…
Non. J’ai des textes qui n’ont pas encore été publiés. Al Jabiniha thaoura oua kitab est mon premier livre. J’étais heureux de le voir présenté au 16e Salon international du livre d’Alger. J’ai écrit des nouvelles et de la poésie. J’ai également publié sous forme de PDF un livre sur internet.
-En tant que jeune Algérien, journaliste et blogueur, que retenez-vous de la révolution tunisienne ?
J’ai été très marqué par la grande différence entre les politiques tunisiens et les politiques algériens. Et je ne parle pas des écrivains ou des blogueurs. Il est difficile de se présenter comme jeune écrivain en Tunisie. On vous dira tout de suite : «Qu’avez-vous écrit ? Et qu’avez-vous publié ?» Les responsables des partis sont abordables, facilement accessibles. Ils vous donnent rendez-vous dans des cafés populaires sans aucun complexe. Cela n’arrivera jamais en Algérie ! Je ne crois pas qu’un jeune Tunisien qui voudrait faire la même chose que moi pourrait le réaliser en Algérie.
Le niveau intellectuel et culturel des politiques tunisiens est très élevé. Il s’agit souvent de docteurs d’Etat, auteurs de plusieurs ouvrages. J’ai discuté avec des chefs de parti qui ont des diplômes supérieurs en littérature, en mathématiques, etc. En plus de leur culture politique et historique, ils sont au fait de tout ce qui se passe autour d’eux. Il n’y a donc aucun moyen de faire un parallèle avec les animateurs de la scène politique algérienne ! La comparaison est impossible. Sur le plan humain, les politiques tunisiens sont modestes. Ils font confiance aux jeunes.
-Les jeunes Algériens ont-ils la même capacité de faire changer les choses comme les jeunes Tunisiens ?
A mon avis, les Tunisiens font preuve de plus de civisme que les Algériens. Dans un café, un client proteste lorsqu’on lui sert du café sans un verre d’eau. Ici, on prend du café dans un verre sale et ébréché sans protester. A Tunis, les salles de théâtre sont archicombles malgré le fait que le ticket soit cher (presque 700 DA). Au Théâtre national algérien à Alger, les spectacles sont souvent gratuits, mais le public ne répond pas à l’appel ! Ces différences paraissent simples, mais elles renvoient à des questions très profondes. Le combat pour la dignité et la liberté doit se faire partout de là où on est, à tout moment, tout instant… C’est de cette manière qu’on peut exiger ses droits de l’Etat.
Fayçal Métaoui