Algérie, une seconde révolution? (25)

12 juin 2011

Lu pour vous dans EL WATAN

le 14.06.11

Réformes politiques, marché économique, Libye

Américains et Français s’invitent à Alger

Une délégation américaine conduite par Mark Adams, haut conseiller au Bureau des affaires politiques et militaires auprès du département d’Etat, achève aujourd’hui une visite de trois jours à Alger. Cette délégation composée de membres du département de la Défense et de la Sécurité intérieure a eu à s’entretenir au cours de son séjour avec de hauts responsables algériens, à leur tête le conseiller du président, Kamel Rezag Bara, note un communiqué émanant de l’ambassade des Etats-Unis à Alger.

Au menu de cette visite, qui intervient moins de quinze jours après celle effectuée par le commandant du commandement de l’Africom, Carter Ham, la crise libyenne et ses conséquences sur la sécurité dans la région. Cette visite, qualifiée dans le communiqué américain de «nouvelle étape dans la coopération sécuritaire et antiterroriste croissante entre les Etats-Unis et l’Algérie», entre «dans le cadre de consultations portant sur les risques de prolifération d’armes de tous types, en particulier l’armement spécialisé dans la sous-région en relation avec la crise libyenne», note le même communiqué. Ces «consultations» ont abouti à des «échanges d’analyses et d’informations sur la question sensible de la circulation d’armes ainsi qu’à une évaluation exhaustive du risque majeur de leur récupération par les groupes terroristes». Le même communiqué n’omet pas de souligner qu’Alger a reçu depuis janvier trois importants émissaires américains chargés de la sécurité.

Il s’agit du conseiller principal du président Barack Obama pour la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, John Brennan, le coordonnateur de la lutte antiterroriste au département d’Etat, Daniel Benjamin, et enfin le commandant de l’Africom. Une précision qui dénote un appui américain certain au régime algérien. Un ballet diplomatique qui confirme que les «alertes» algériennes sur les risques de prolifération d’armes du fait du conflit libyen ont trouvé un écho auprès de la plus grande puissance mondiale. Cette dernière, qui adopte différentes approches avec les pays de la région, au gré des intérêts qu’elle y entretient, semble trouver dans cette Algérie «antiterroriste», devenant le plus grand pays d’Afrique après la partition soudanaise, un allié pouvant jouer un rôle dans l’après-Gueddafi. Il reste à savoir quel est ce rôle que compte le régime algérien faire jouer à l’Algérie, pour se sauver ?

Le fait, déjà, de se rendre indispensable dans la lutte contre le terrorisme est devenu depuis quelques années la marque de fabrique de l’Etat algérien qui, en sus du pétrole, tente de vendre l’image de champion de la lutte antiterroriste. Les va-et-vient occidentaux signent sans conteste un acquiescement de voir cette porte de l’Afrique et du Sahel parer à toute poussée terroriste ou migratoire «indésirable». Le deal est conclu, et le régime s’en sort avec des gratifications de la part de la puissance mondiale qui tempère les appels à mener comme il se doit les réformes politiques. L’Algérie a droit à un simulacre de réformes qui semblent être engagées pour contenter une opinion internationale soucieuse de voir le discours en faveur du changement prendre forme mais sans réellement se soucier du contenu qu’il adoptera.
Alain Juppé, le quitus politique
Devant les secousses telluriques ébranlant des chefs d’Etat dans le voisinage et conscient des risques qu’il encourt, le pouvoir algérien n’a pas hésité à réviser son approche de partage de la rente. Le Premier ministre, annonceur traditionnel des changements de cap qu’adopte à chaque fois le pouvoir, a même déclaré que «le climat des affaires n’encourage pas les investissements». L’aveu d’échec, qui a été lu dans cette déclaration, s’avère plutôt être un signal adressé aux partenaires étrangers, leur disant que des parts du «gâteau» sont à prendre. La France a été la première à se servir. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui est attendu demain à Alger, entreprend une visite qui n’est pas à mettre en dehors de ce quitus politique attendu par Alger en retour des contrats juteux signés il y a quelques jours avec des entreprises françaises. Mais tout comme l’Oncle Sam, la crise libyenne fait aussi courir le ministre français, dont le pays a mené comme un chef d’orchestre l’intervention militaire en Libye.

Après la «fougue» des attaques et bombardements sur Tripoli, voici venir le temps des tractations. «Les nombreux échanges de visites entre les deux pays et la mise en place de nouveaux mécanismes de concertation politique et de facilitation des investissements ont permis de consolider et de diversifier la coopération bilatérale et de l’élargir à tous les secteurs d’intérêt commun», souligne le directeur de la communication du ministère algérien des Affaires étrangères qui note que les discussions d’Alain Juppé et la partie algérienne porteront sur la situation régionale. Sera-t-il question des «aides militaires à l’armée libyenne» au sujet desquelles Juppé avait demandé des explications à son homologue algérien ? Est-il venu pour dire, tout comme le commandant de l’Africom, qu’il ne s’agit pas de rapports officiels pour signer l’appui politique que demande Alger ? Ou alors, la chute d’El Gueddafi fait-elle craindre à l’ancien colonisateur une contagion dont il ne voudra pas ? Il sera peut-être question de discuter de comment finir le travail en Libye. Devant les calculs froids et intéressés de la diplomatie, les attentes des peuples pour un souffle démocratique salvateur semblent bien secondaires.

Nadjia Bouaricha


Lu pour vous dans EL WATAN

le 12.06.11

Des ONG l’interpellent pour examiner la situation en Algérie

L’UE invitée à défendre les droits de l’homme

Les organisations signataires appellent ainsi l’UE «à demander publiquement la fin de la répression des manifestations pacifiques en Algérie et exprimer ainsi clairement son soutien à la société civile autonome algérienne».

Sous l’intitulé «UE-Algérie : un conseil d’association sur fond de crise sociale et politique», une lettre a été adressée à l’instance européenne l’appelant à ne pas sacrifier les droits de l’homme sur l’autel des transactions économiques. Les signataires de la lettre sont le Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme, la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, le collectif des familles de disparus, et le Snapap, qui se sont adressés aux instances de l’UE, et ce, pour les «alerter sur la persistance de graves violations des droits de l’homme en Algérie alors même que le pays traverse une profonde crise sociale et politique». Les signataires de la missive soulignent que «l’Algérie est le théâtre de manifestations et de mouvements sociaux depuis plusieurs années, donnant fréquemment lieu à de violentes émeutes du fait de l’attitude de déni des autorités algériennes».

Les organisations signataires appellent ainsi l’UE «à demander publiquement la fin de la répression des manifestations pacifiques en Algérie et exprimer ainsi clairement son soutien à la société civile autonome algérienne. Nos organisations demandent à l’UE et ses Etats membres d’adopter une position ferme vis-à-vis des autorités algériennes pour qu’elles respectent leurs engagements relatifs aux droits de l’homme et qu’elles engagent un véritable processus participatif, transparent et inclusif pour l’adoption et la mise en œuvre de réformes démocratiques profondes». La même lettre précise aussi que «face au déni des droits et des libertés fondamentales en Algérie, l’absence d’un message fort de l’UE à l’attention des autorités algériennes mine la crédibilité de l’annonce d’une nouvelle politique européenne de voisinage».
Le texte adressé à l’UE, énumère une série d’atteintes aux libertés et aux droits de l’homme en Algérie. Sont dénoncées les entraves aux libertés d’association, d’expression, de rassemblement et syndicales. Les signataires expriment «leurs vives inquiétudes suite à l’annonce officielle du régime selon laquelle le levée de l’état d’urgence sera suivie de l’adoption d’un texte pour la lutte contre le terrorisme et la décision de confier à l’armée la compétence de toutes les opérations de lutte contre le terrorisme et la subversion. Une notion à géométrie variable sur le plan juridique». Les signataires de la lettre notent en outre que la dépénalisation du délit de presse «est d’ordre formel car les peines contenues dans le code pénal et portant sur la diffamation restent en vigueur. De même, nos organisations notent que l’octroi d’agrément pour les nouveaux journaux est refusé lorsque les autorités craignent une trop grande indépendance de la ligne éditoriale».
POUR UN RESPECT DES LIBERTÉS
La question des disparus n’a pas été en reste dans cette missive, qui «dénonce les formes de torture psychologique dont sont victimes les familles de disparus du fait des entraves délibérées de la part des autorités à l’accès à la vérité, à la justice et à une réparation pleine et entière telle que définie dans de nombreux textes internationaux». Ceci et de fustiger le code de la famille en vigueur qui «ne garantit pas l’égalité effective entre les femmes et les hommes». Le libre exercice du culte est cité dans la lettre qui note qu’il est «toujours soumis à de fortes restrictions malgré les dispositions contenues dans la Constitution, menant à la condamnation arbitraire d’Algériens de confession chrétienne». Les organisations signataires de la lettre appellent l’UE et les Etats membres à exiger du gouvernement algérien, lors du prochain conseil d’association, une série de mesures garantissant à la société civile de s’exprimer en toute liberté.

Ainsi, l’UE devra exiger le respect de la liberté de se rassembler et de manifester pacifiquement, la libération immédiate des personnes arrêtées pour leur participation à des manifestations pacifiques et l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires à l’encontre de ces manifestants, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’homme. Les organisations exigent en outre de l’UE de demander aux autorités algériennes la garantie de la liberté d’association pour les ONG et les syndicats, et l’abrogation de la charte pour la paix et la réconciliation nationale et de ses textes d’application ainsi que la mise en place d’un véritable processus de réconciliation basé sur la vérité et la justice. Ceci et de plaider pour l’accès des ONG internationales au territoire algérien, la dépénalisation du délit de presse et l’octroi des agréments pour la création de nouveaux titres de presse.

N. B.


Lu pour vous dans EL WATAN

le 10.06.11

Litterature : Les libraires allemands distinguent Boualem Sansal

Boualem Sansal a obtenu le prix de la Paix des libraires allemands. C’est le deuxième écrivain algérien à l’obtenir  depuis Assia Djebar en 2000. Le président de l’Organisation des libraires allemands Gottfried Honnefelder a déclaré que cette distinction récompensait un intellectuel qui « critique ouvertement la situation politique et sociale » en Algérie. le prix entend ainsi apporter son soutien au mouvement pour la démocratie en Afrique du Nord.

Dans une interview à Boersenblatt, la revue de l’Organisation des libraires allemands, l’écrivain Sansal a d’ailleurs dédié son prix aux révolutions dans les pays arabes. « Le prix arrive à point nommé. Les gens dans les pays arabes luttent pour la liberté – et la paix est pour eux la liberté. »

Boualem Sansal est né en 1949 à Alger. Il a fait des études d’ingénieur en Algérie et en France et obtenu un doctorat d’économie. Son premier roman publié en 1999, Le serment des barbares, dépeint la difficile réalité algérienne. Son dernier roman n’est certainement pas étranger à la remise de ce prix en Allemagne.

En effet, dans Le Village de l’Allemand (2008- Paris, Gallimard), il raconte le massacre dans les camps de concentration nazis où ont notamment  péri des milliers de juifs. L’histoire est basée sur l’histoire réelle d’un Allemand devenu héros de la révolution algérienne et assassiné par les terroristes islamistes du GIA dans les années 90. Le Prix de la paix des libraires allemands lui sera remis le 16 octobre à la Foire du livre de Francfort.

Walid Mebarek


Lu pour vous dans EL WATAN

le 10.06.11

Les sages-femmes en grève à partir du 20 juin

Deuxième du genre en 20 ans, le Syndicat national des sages-femmes observera le 20 juin prochain une journée de protestation à l’échelle nationale.

A l’exception du service minimum, les sages-femmes cesseront de travailler pendant une journée ! Sept jours plus tard, c’est une grève d’une semaine, voire illimitée, qui sera entamée, selon Akila Guerroche, secrétaire générale du Syndicat national des sages-femmes. Le préavis de grève sera déposé dimanche au niveau du ministère qui a, entre-temps, convié le syndicat à une réunion de travail le lendemain. Le syndicat campe sur ses positions et appelle l’ensemble de la corporation à être solidaire et faire valoir ses droits. Les sages-femmes dénoncent le fait que le nouveau régime indemnitaire, adopté il y a seulement 15 jours, est diamétralement opposé à leur nouveau statut particulier.

«Il y a une énorme inadéquation du régime indemnitaire avec le statut particulier. Il classe notre corporation comme étant un corps médical, vient ensuite le régime indemnitaire pour nous discriminer et nous donner seulement les droits des paramédicaux. C’est discriminatoire. J’estime qu’il s’agit tout simplement d’une discrimination à l’égard des femmes, en général, et notre corporation, en particulier. A mon avis, il s’agit d’une décision qui met en jeu l’intérêt de toute la famille algérienne», déclare Akila Guerroche. Avec le nouveau régime indemnitaire, les sages-femmes ne bénéficient d’aucune indemnité versée au corps médical, comme celles de documentation, d’encadrement ou de rendement. «Visiblement, la tutelle estime que nous ne sommes pas rentables, alors que nous sommes le noyau principal pour les cinq grands objectifs du millénaires dont la réduction de décès maternels et infantiles !», ajoute encore la syndicaliste.

Le régime indemnitaire, faut-il savoir, a été adopté sans la présence des sages-femmes qui ont pendant des mois suivi et négocié leurs revendications. «Ils nous ont eues. Il s’agit d’une discrimination et d’une provocation voulue et nous n’avons pas l’intention de nous taire. Il faut donc que nous sortions dans la rue pour que les pouvoirs publics nous entendent», déplore A. Guerroche. A noter également que, selon les statistiques des sages-femmes, la période allant de juin jusqu’au mois d’août enregistre un record en nombre d’accouchements.

Nassima Oulebsir

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