Libre, documentaire de Michel Toesca

28 septembre 2018

 

À propos de Libre,

documentaire de Michel Toesca

sorti en salles le 26 septembre 2018.

« Les migrants c’est comme les vents
Ils arrivent
on ne sait pas d’où ils viennent
on ne sait pas où ils vont
C’est comme les vents » dit un vieux paysan à l’accent italien devant la table de sa cuisine.

En projet, le documentaire de Michel Toesca devait s’appeler À tous vents. En cours de réalisation il est devenu  Libre.
Libre comme l’est Cédric Herrou , le personnage principal du film : celui qui se tient debout, quoi qu’il arrive,  entre les migrants qu’il héberge dans son terrain à flanc de montagne et les agents de la force publique – gendarmes, policiers ou militaires – qui contrôlent le territoire environnant et empêchent désormais les arrivées comme les départs dans la Roya…Ou du moins s’efforcent-ils de le faire, car il y a des trous dans les mailles du filet !

Cette solidarité avec tous les migrants qui passent par sa montagne, Cédric Herrou dit qu’elle est une exigence à l’intérieur de lui-même qui constitue sa liberté. Et la détermination de sa résistance aux tentatives d’intimidation a fédéré toutes celles et tous ceux qui autour de lui,  et plus loin encore, partagent la même conviction.

Dans le film de Michel Toesca, Cédric Herrou en vient donc à représenter toutes celles et tous ceux qui veulent être

–  libres de dire «non» au dispositif européen Dublin,  aussi hypocrite, indigne et inefficace qu’inutilement dispendieux dans ses différentes versions puisqu’il charge l’Italie de traiter les demandes  de tous ceux qui ont échoué sur ses rives après avoir survécu au naufrage en Méditerranée.

– libres de dire « non » au rétablissement d’une frontière depuis juin 2015 entre la France et l’Italie, deux pays du même espace Schengen qui en avaient annulé le principe à l’intérieur de l’Europe depuis 20 ans.

– libres de dire « non » au rétablissement d’une frontière imposant de repasser par l’Italie si l’on prend la route qui de Breil-sur-Roya conduit à Nice où l’on doit déposer une demande d’asile.

– libres de dire « non » aux institutions qui  transgressent la loi en renvoyant en Italie des mineurs non accompagnés ou qui continuent d’y refouler des familles  malgré le jugement en référé du tribunal administratif enjoignant le Préfet des Alpes-Maritimes le 31 mars 2017 « d’enregistrer la demande d’asile sous trois jours ouvrés » d’une famille érythréenne accueillie dans la Roya. Ou celui du 4 septembre avec même injonction d’enregistrer la demande d’asile de trois réfugiés soudanais au motif que «  l’administration  porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile ».

 

Libre,  Cédric Herrou ?

–  oui, mais à quel prix !

Celui des tracasseries administratives, des pertes de temps, des interpellations qui l’empêchent de s’occuper de ses volailles et de ses oliviers, des contrôles d’identité, de  la confiscation de son véhicule, des gardes à vue et aussi de  la mise en examen, de la comparution devant le Tribunal de Grande Instance, de la mise en délibéré,  d’une première condamnation avec sursis dont le Parquet fait immédiatement appel pour obtenir une sanction plus lourde.

Et finalement une victoire, mais encore incomplète : le Conseil Constitutionnel du 6 juillet 2018 en vient à reconnaître pour la première fois la valeur de principe constitutionnel à la fraternité qui figure dans la devise de la République Française et déclare : « il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
Le Conseil Constitutionnel affirme ainsi que « tout acte d’aide apportée dans un but humanitaire, qui ne fait par ailleurs l’objet d’aucune contrepartie, ne peut être poursuivi. »

Mais il pénalise toujours et sans exception l’aide à l’entrée irrégulière dans le territoire.

Dans le film Libre, Cédric Herrou est donc le porteur de parole de tous les « passeurs d’humanité », des aidants en attente de jugement définitif ou de ceux qui sont filmés en action auprès des migrants : infirmière ou médecin, avocate ou hébergeur, chauffeur ou cuisinier ou encore photographe, illustrateur, musicien ou relais auprès des médias.

Chacun d’eux faisant  sien, à sa façon,  le « devoir de désobéissance civile » théorisé par H.D.Thoreau ou le principe de Thomas Jefferson : « quand l’injustice devient loi , la résistance est un devoir ».

Avec Cédric et Pierre-Alain, Félix et Gianni, Martine et Francesca, Françoise, René, Daniel, Gérard et tous les autres de France et d’Italie,  la société civile est en marche dans la vallée de la Roya qui a déjà vu passer tant de réfugiés du fait des guerres, des persécutions ou de la misère entretenue par le grand désordre du monde.

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