Hors-la-loi de Rachid Bouchareb

1 octobre 2010


Partons du principe que l’artiste a tous les droits sauf celui de prétendre rétablir la vérité historique, tâche dévolue aux seuls historiens dont les travaux, dans leur diversité, se contentent de contribuer à l’établir. Et disons d’entrée de jeu – ou plutôt dès la fin de la projection – que Hors-la-loi est un film bien construit où l’on suit d’un bout à l’autre et sans ennui la trajectoire de trois frères sur 35 années de leur vie mais surtout dans le cadre particulier de la guerre d’Algérie en France entre 1955 et 1961.

Pourquoi cela ?

Eh bien précisément parce que Rachid Bouchareb construit sa fiction à partir d’une simplification rapide d’événements historiques réduits à quelques grandes dates :

– l’injustice de la dépossession (la famille expulsée en 1926 de la parcelle de terre de tribu où elle s’était installée depuis des générations)

– l’ampleur de la répression et des massacres et à la suite des émeutes de Sétif et des massacres d’Européens le 8 mai 1945 dans l’Est algérien.

– la non-reconnaissance des « services rendus à la patrie » par les Indigènes durant la guerre de 39-45

Bref, tout ce qui fait que l’on peut devenir hors-la-loi quand la loi est injuste.

Mais le film doit son principal intérêt aux personnages qui portent la fiction plutôt qu’au point de vue particulier d’un cinéaste algérien sur l’histoire si complexe de cette période. Et ses personnages sont bien campés autour d’une mère réelle et symbolique à la fois puisqu’elle a emporté dans le bidonville de Nanterre une poignée de sa terre d’Algérie: Abdelkader l’intellectuel du FLN pour qui la fin justifie les moyens, Messaoud l’ancien soldat devenu homme de main du FLN mais qui est en proie au doute quand la violence se radicalise et Saïd, jeune voyou sans scrupules, proxénète et « manager » de futurs champions de boxe,  qui sera seul à connaître l’Algérie indépendante

Si Rachid Bouchared donne un point de vue simplifié sur l’Histoire, ses personnages, eux, ne sont pas simplifiés.  Ils montrent au prix de quels compromis avec la justice se paie une lutte révolutionnaire, si légitime que puisse être sa fin aux yeux de ceux qui s’y sont engagés : l’exécution des Messalistes et de tous les travailleurs réticents ou seulement lents à payer l’impôt révolutionnaire. Et leurs doutes posent parfois la question du sens de tout cela : pour quels résultats après la conquête de l’indépendance ? Mais autour de la mère, vivante ou morte, la solidarité familiale aura, du moins, résisté à toutes les agressions.

Prenons donc le film pour ce qu’il est: une fiction habilement construite dont certaines images rappellent les grands mouvements de peuple chers à Ken Loach et dont le montage « à l’américaine » juxtapose de manière saccadée des scènes de combats de rue où les protagonistes s’entretuent chapeau sur la tête  comme le font, à Chicago ou à New York,  les gangsters d’Abel Ferrara, de Martin Scorsese ou de Brian de Palma.

Pour l’histoire de la guerre d’Algérie, continuons de lire les ouvrages des historiens – de tous les historiens –  et de regarder les documentaires constitués d’archives retrouvées ou enfin disponibles comme celui de Malek Bensmaïl Guerres  secrètes du FLN en France qui était programmé sur France2  au lendemain de la sortie de Hors-la-loi.

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