Lu pour vous dans EL WATAN
le 22.07.11
La protestation se propage et se radicalise
Dans le pays aux 165 milliards de dollars de réserves de changes, on va encore chercher l’eau potable à dos de mulet, il y a plus de coupures d’électricité que dans la bande de Ghaza et il faut faire jouer la maârifa pour avoir un logement. Résultat : pas une wilaya n’est épargnée par les manifestations, routes coupées, APC incendiées… La protestation, jusque-là contenue dans les villes, s’étend aux campagnes et se radicalise. Prémices d’une rentrée sociale agitée.
– Oran : Le Comité national des contractuels dans le cadre du préemploi, qui relève du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap), a organisé, le 18 juillet, un sit-in à la direction de l’emploi, à Oran. Plusieurs dizaines de jeunes s’y sont ainsi rassemblés, bloquant la route, pour dénoncer la précarité de leur emploi, et réclamer des postes permanents. Il a fallu l’intervention des forces de l’ordre pour que la circulation soit rétablie. Un autre sit-in est prévu mercredi prochain, et cela avant un sit-in à caractère national, le 11 septembre à Alger, devant le ministère du Travail. Akram El Kébir
– Mostaganem : La semaine dernière, les habitants des douars Kouabria, Bouaïchia et Tiaïtia, relevant tous de la commune de Bouguirat, à 27 km au sud de Mostaganem, ont fermé la RN23, entre Bouguirat et Mostaganem. La cause : la rupture de l’alimentation en eau potable. Lundi, un incendie dans le bidonville Typhus où vivent 300 familles, à la lisière de Mostaganem, mais relevant de la commune de Sayada, a provoqué la colère des habitants. Malgré la présence d’un impressionnant dispositif sécuritaire, plus d’une centaine de jeunes sont parvenus à organiser une marche vers le siège de la wilaya. Yacine Alim
– Sidi Bel Abbès : Policiers et gendarmes, constamment sollicités pour effectuer des opérations de maintien de l’ordre aux quatre coins de la wilaya, n’ont pas chômé en ce torride mois de juillet à Sidi Bel Abbès. Jeudi 14 juillet, les habitants de Bordj Djaâfar bloquent la RN95 menant vers la localité de Ben Badis pour protester contre la suspension prolongée (10 jours) de l’alimentation en eau potable. Pneus brûlés et blocs de pierre accueillent les forces antiémeute à l’entrée de cette localité à 30 km au sud de Sidi Bel Abbès. Quelques jours avant, l’autoroute Est-Ouest est coupée à la circulation par de jeunes manifestants à Makedra, au nord de Sidi Bel Abbès. Les protestataires exigent le départ du maire et du secrétaire général de l’APC. Les gendarmes décident, après de longs et vains pourparlers, à les disperser par la force. A Telagh, Sidi Lahcen et Ras El Ma, chefs-lieux de daïra, les listes des bénéficiaires de logements sociaux ont causé des insomnies à de nombreux responsables sécuritaires. Et pour cause ! Sit-in et rassemblements de demandeurs de logement devant les sièges de ces APC se sont multipliés en juillet, tout comme les opérations de maintien de l’ordre avec ce même décor inchangé : gendarmes munis de boucliers, prêts à charger, matraques bien en vue. A Sidi Bel Abbès, les sit-in sont devenus quasi-quotidiens. Que ce soit pour réclamer des emplois, de l’eau, des logements, le départ d’un responsable ou tout simplement pour dénoncer la détérioration de la qualité des soins au centre hospitalo-universitaire de la ville, le siège de la wilaya est l’endroit le mieux indiqué pour crier sa colère. Les chauffeurs de taxi prévoient d’y manifester les 24 et 25 juillet. Leur syndicat vient d’appeler à la tenue d’un sit-in et d’une grève générale de deux jours. Que réclament-ils ? L’augmentation des tarifs de transport qui devraient passer de 40 à 50 DA pour les taxis individuels et de 15 à 20 DA pour les taxis collectifs. M. Abdelkrim
– Blida : Mardi matin, une cinquantaine de citoyens ont organisé un sit-in devant l’APC de Mouzaïa (12 km à l’ouest de Blida) pour exiger la prise en charge de leurs nombreux problèmes. Une trentaine d’entre eux ont pénétré de force dans la mairie pour rencontrer le maire et ses élus, et faire valoir leurs droits. Habitant dans la ferme Makhtich Abdelkader, à 8 km de Mouzaïa, ils exigent des certificats de possession afin de bénéficier des aides rurales de l’Etat, un raccordement au réseau de gaz de ville, l’aménagement de leurs routes, l’éclairage public, plus de sécurité, une polyclinique, un réseau d’assainissement fonctionnel, le transport scolaire, un stade ainsi que le ramassage régulier des ordures ménagères. «Les ordures ne sont ramassées que lorsqu’il y a visite du wali dans notre ferme», déplorent des plaignants. Mardi soir, les habitants de la ferme «Mini» à Larabaa (30 km à l’est de Blida) ont brûlé des pneus sur l’axe routier Larabaa – Les Eucalyptus (RN08) pour protester contre les coupures récurrentes d’électricité et la faible tension du courant. Ce n’est que vers 3h du matin que les éléments de la Gendarmerie nationale ont pu rouvrir la route et apaiser les tensions. Il y a une semaine, des habitants du boulevard des Fidays à Boufarik ont pénétré de force dans la daïra pour demander au chef de daïra l’aménagement de leur boulevard. Ce dernier est toujours occupé par des marchands informels et demeure un bon repaire pour les délinquants. L’entrepreneur, qui a eu l’aval pour entamer les travaux, ne cesse d’attendre la délocalisation de ces commerçants. Les protestataires ont voulu passer la nuit à l’intérieur de la daïra, le chef de daïra a quant à lui préféré jeter la balle dans le camp du wali de Blida, qui a reçu lundi les habitants du boulevard des Fidays et leur a promis de prendre en considération leurs revendications.
Mohamed Benzerga
– Aïn Defla : Sit-in, pétitions, communiqués adressés aux autorités et à la presse locale, banderoles géantes reprenant des slogans forts sur le malaise social, fermeture des administrations locales, objets de toutes les critiques… Jusque dans les douars les plus reculés de la wilaya, la contestation prend de multiples formes et s’organise minutieusement. Principales revendications : une distribution équitable de l’eau, des emplois, un logement, l’accès au gaz de ville… Pour rappel, la wilaya aux énormes potentialités hydriques (5 grands barrages, 4 nappes phréatiques importantes, 180 forages de nombreuses sources) n’arrive pas à répondre aux besoins d’une grande partie de sa population. En 2011, on continue à puiser de l’eau potable à des kilomètres et à dos de mulet comme dans les villages de Zerarka, Ouled Salah, Ouled Ali Ouaguenaï, pour ne citer que ces localités. L’affichage récent des listes de bénéficiaires de logement et d’aide à l’habitat rural a donné lieu à de véritables émeutes nécessitant l’intervention des forces antiémeutes. A El Amra, Djelida, Sidi Lakhdar, Zeddine, Aïn Defla, Bordj Emir Khaled, Aïn Lechiakh, Khemis Miliana, El Abadia…, les protestataires ont incriminé les membres des commissions d’attribution, les accusant de «se servir et de servir leurs proches». Autre revendication avancée : l’envoi de commissions d’enquête pour définir les responsabilités et rendre compte à l’opinion publique des raisons qui ont conduit aux retards dans les projets de développement. Aziza L.
– Boumerdès : Des centaines d’actions de protestation ont été enregistrées depuis janvier dernier à travers la wilaya de Boumerdès. La fermeture des routes et du siège des institutions publiques est devenue un acte banal. Mercredi, des dizaines de citoyens d’Afir ont bloqué le siège de leur APC pour exiger le revêtement d’un axe routier desservant leur village. Moins de quinze jours avant, d’autres villageois avaient fermé la RN71 en signe de protestation contre la pénurie d’eau potable. La police précise avoir recensé plus de 17 tentatives de suicide durant le premier semestre de l’année en cours. L’autoroute reliant Alger à Tizi Ouzou est transformée en véritable tribune vers laquelle se dirigent les chômeurs des localités de Bordj Menaïel et Naciria pour réclamer des emplois ou le versement de leur salaire. Le même axe a été le théâtre de plusieurs affrontements entre les services de l’ordre et les jeunes désœuvrés. Ces actions qui démontrent l’échec des responsables et les politiques mises en œuvre par l’Etat ont gagné en intensité après la distribution des logements sociaux. De nombreux autres mouvements de protestation ont eu lieu à l’est de la wilaya, à Chabet El Ameur, Timezrit, cap Djenet, Naciria, pour dénoncer des problèmes de dégradation des routes et la pénurie prolongée d’eau potable ou la mauvaise gestion de certains élus locaux. R. Koubabi
– Alger : Ouled Fayet, le 11 juillet. Les locataires de la cité AADL menacent de ne plus payer les charges jusqu’à la réparation des ascenseurs en panne depuis plus d’un an. Ils se disent offusqués par le laisser-aller de l’AADL qui tourne volontairement le dos à leurs doléances.
Bordj El Bahri, le 12 juillet. Les habitants de la nouvelle cité Cosider recourent à une énième démonstration de rue pour faire valoir leurs droits. Ils bloquent le quartier pour réclamer une prise en charge effective des problèmes de leur cité, notamment la collecte des ordures ménagères.
Saoula, le 13 juillet. Des coupures d’électricité à répétition sont enregistrées comme dans plusieurs autres quartiers de la capitale (Bordj El Kiffan, rue Krim Belkacem à Télemly, Kouba, Douéra, Baraki…). Pour exprimer leur mécontentement, les commerçants bloquent la route pendant des heures afin d’attirer l’attention des responsables de la SDA (filiale de Sonelgaz à Alger) sur la nécessité de remédier à cette situation pénalisante. Certains commerçants affirment avoir perdu des millions de dinars en raison de ces coupures.
Staoueli, le 19 juillet. Les habitants se plaignent depuis plusieurs jours de l’absence chronique de camions de ramassage des ordures ménagères. Les déchets s’accumulent dans plusieurs cités, engendrant des odeurs difficilement supportables en cette période de forte chaleur.
Baraki, le 20 juillet. Les habitants tiennent un sit-in devant le siège de la daïra pour dénoncer l’avancée du marché informel et l’anarchie qui y règne. Les protestataires dénoncent l’insécurité et la détérioration de leur cadre de vie. D’après eux, les vendeurs illicites squattent l’espace public impunément et dictent leur loi à l’arme blanche. Benjamin Roger
– Tizi Ouzou : La wilaya de Tizi Ouzou a connu ces dernières semaines plusieurs mouvements de protestation. Les citoyens de Sikh Oumedour, un village situé à dix kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya, ont fermé la RN12, revendiquant l’alimentation en eau potable, le revêtement de la route et la réalisation d’une salle de soins. Les habitants de Betrouna, au sud de la commune de Tizi Ouzou, ont eu recours aux actions de rue pour se faire entendre. Ils réclament, entre autres, la réfection du tronçon routier desservant leur bourgade. A Bouzguène, les riverains ont fermé, il y a quelques jours, le siège de la daïra et celui de l’ADE pour protester contre les sempiternelles pénuries d’eau potable. A Sidi Naâmane, les citoyens ont fermé la mairie pour exiger la satisfaction de leurs revendications d’ordre social. Les propriétaires de bus qui assurent les liaisons interwilayas, eux aussi, paralysent, depuis un mois le transport de voyageurs. Et pour cause, ils s’élèvent contre la décision prise par l’administration de transférer l’ancienne gare routière à la nouvelle infrastructure à Bouhinoun. D’autres actions de protestation pour demander l’amélioration des conditions sociales des citoyens ont été enregistrées à Tigzirt, Azazga, Ouadhias, entre autres. H. Azzouzi
– Béjaïa : De l’eau potable et l’amélioration de l’état de la route : les habitants d’un petit village près de la station balnéaire d’Aokas ont bloqué dimanche dernier la RN9 reliant Béjaïa à Sétif. Ils protestent aussi contre les coupures fréquentes de courant électrique.
– Sétif : L’affichage de la liste des 140 logements à caractère locatif de Bougag (chef-lieu de daïra situé à 42 km au nord de Sétif) ce mercredi n’a pas été du goût de centaines de demandeurs. Afin d’exprimer leur courroux, plus de 200 personnes se sont, ce jour-là, regroupées devant les sièges de la commune et de la daïra où elles ont dénoncé le favoritisme de la commission de distribution de logements. Ce mouvement est intervenu quelques jours après les graves incidents qui ont ébranlé, pour les mêmes motifs, El Eulma, deuxième agglomération de la wilaya. Poursuivis pour perturbation de l’ordre public et destruction de biens publics et privés, 24 des 32 émeutiers ont écopé de trois ans de prison ferme. Pour les mêmes raisons, les paisibles cités de Aïn Azel et Bouandas ont, elles aussi, vécu des troubles. N’ayant pas vu la couleur de l’eau durant des jours, des citoyens de nombreux quartiers de la capitale des Hauts- Plateaux, tels que Garita (rue Sillègue), la cité Begag (Tlydjène), une partie de Chouf Lekdad et des 500 logements CNEP (près des tours), se sont approchés, la semaine dernière, des responsables de l’ADE pour exprimer de vive voix leur colère. La dégradation du cadre de vie de nombreux quartiers de Aïn Oulmène (chef-lieu de daïra situé à 32 km de Sétif) a poussé, à la même période, les citoyens à fermer le chemin menant aux quartiers Gasria, Bir Lahlou et douar Ahmed Lahcen. Comme un malheur n’arrive jamais seul, les coupures fréquentes du courant électrique empoisonnent par ailleurs la vie aux citoyens de nombreuses localités de la région à bout…
Kamel Beniaiche
– M’Sila : Fait nouveau dans la wilaya de M’sila, les émeutes qui touchaient jusque-là les villes s’étendent désormais aux dechras et douars. Si certaines populations rurales ont, du fait du terrorisme, de la pauvreté et de la politique de la marginalisation, fui leurs terres en troquant cheptels et habitations contre taudis dans la périphérie des grandes villes, notamment M’sila, d’autres en revanche, à l’instar de celles de Bir Madhi, Ghezal, Boukhemissa et Bayadha, tentent de survivre sur leurs terres dans des conditions insoutenables. Exaspérées par l’insouciance des autorités locales des années durant, elles revendiquent un accès à la santé, l’assainissement, l’eau potable, l’électricité ou au logement. Les habitants de Ghezal, Boukhemissa et Bir Madhi ont coupé les RN45 et 60 pour un problème d’eau. Dans le douar de Bir Madhi, l’alimentation en eau potable se fait par le biais de citernes payées à prix fort, exacerbé par l’enclavement. Ils réclament aussi la réfection du chemin de wilaya n°1 dont les travaux ne finissent jamais. Autre motif de colère : les salles de soins – essentielles à une époque de l’année où les scorpions continuent de provoquer des décès – qui ont été construites, mais ne fonctionnent toujours pas. Le manque de réseaux d’assainissement, à l’origine de l’aggravation de l’insalubrité en milieu rural à travers l’utilisation des fosses sceptiques, est un autre motif de protestation. Le taux de connexion au réseau d’assainissement de 94%, annoncé par les officiels, ne dépasserait en réalité par les 71%. Quant au taux de raccordement à l’eau potable, annoncé à 94%, il serait de 86%. Enfin, celui du raccordement à l’électricité, annoncé à 91%, ne dépasserait pas les 83%. S. Ghellab
– Skikda : Un chef de daïra qui manque d’être lynché dans son propre bureau et un autre carrément contraint d’éteindre le groupe électrogène qui «illumine» sa demeure. Loin d’être anecdotiques, ces deux événements qui se sont produits dans la wilaya de Skikda ces derniers jours dénotent le ras-le-bol d’une population excédée. Le premier a eu lieu à El Harrouche, juste après l’affichage des listes des bénéficiaires d’un quota, presque insignifiant, de logements sociaux. Des dizaines de citoyens ont forcé la porte du bureau du chef de daïra, grimpé sur son bureau, brisant du mobilier et manquant d’y mettre le feu. Quelques jours après, ce fut le tour du chef de daïra de Tamalous, plus à l’ouest, qui, vers 21h, alors qu’une panne d’électricité générale plongeait la ville dans le noir, s’est retrouvé contraint, sous la pression des barricades érigées près de sa demeure, d’éteindre le groupe électrogène qui lui permettait d’être dans la lumière, alors que les habitants soupaient dans le noir. «Il fallait qu’il vive les mêmes conditions que nous pour comprendre notre colère suite aux coupures récurrentes de l’électricité dans notre région», ont déclaré les manifestants. Lundi, rebelote. Des habitants de Djebel Meksen, dans la commune d’El Harrouche, ferment la RN43 pour exiger la réfection du chemin menant à leur hameau. Pour apaiser les esprits, le P/APC emmène avec lui quelques délégués pour rencontrer le chef de daïra. Mal lui en a pris. Il est mis à la porte illico presto et de façon peu élégante par le chef de daïra contre lequel il envisage de porter plainte aujourd’hui pour «humiliation publique». Khider Ouahab
– El Kala : 163 bénéficiaires pour 5000 demandeurs de logement à El Kala. La liste affichée ce mercredi 29 juin à la porte d’un collège fait exploser la ville. La colère gronde et la foule méprisée par les autorités et les élus est abandonnée aux voyous et aux casseurs qui vont la mener vers la daïra, où siège la commission d’attribution. Elle sera dévalisée et incendiée. Les matériels et équipement informatique, les précieux dossiers de passeport vont s’envoler. La police les retrouvera. Un homme est désigné à la vindicte populaire : le chef de daïra. Son logement sera également dévalisé et incendié et ses affaires personnelles jetées à la rue ou volées. Puis, la foule, toujours embrigadée, va s’en prendre à un symbole, le tout nouveau carrefour et son jet d’eau de 2,5 milliards de centimes qui nargue la misère environnante. En face, c’est la gare routière, propriété du président de l’APW d’El Tarf, qui sera la cible des émeutiers. Un autre symbole. Les protestataires ont déposé 600 recours. Une trentaine de personnes ont été interpellées, dont trois mineurs et deux femmes. Cinq sont en prison, les receleurs. Douze ont été placées sous contrôle judiciaire et une vingtaine ont bénéficié de liberté provisoire. Les charges sont lourdes, très lourdes, et le procès se déroulera devant la cour criminelle de Annaba. Ces émeutiers risquent entre cinq et dix ans de prison. Slim Sadki
– Annaba : Pour les seuls mois de juin et juillet, des manifestations de protestation quotidiennes ont été signalées dans la wilaya avec comme revendications sociales majeures, l’équité dans la distribution du logement public, l’accès à l’emploi et le paiement des rémunérations des chômeurs bénéficiaires des dispositifs d’insertion professionnelle et l’amélioration des conditions de vie des populations des cités en butte à des problèmes d’environnement et de cadre de vie. La protesta donne lieu à la fermeture de tronçons routiers névralgiques, causant des désagréments aux passagers et à la circulation des biens. Les opérations d’affichage et de distribution de logements publics sont désormais accompagnées de mouvements de protestation, de scènes de troubles à l’ordre public, de blocage de la circulation et d’interpellations de manifestants. Les services de la Sûreté et de la Gendarmerie nationales optent pour la dissuasion dans le but d’éviter d’envenimer la situation. T. G.
– Batna : Petits foyers de tension ou zones rouges, à Batna aussi, l’actualité est alimentée par des mouvements de contestation. Lundi dernier, c’est le quartier populaire de Bouakal, dans la capitale des Aurès, qui est secoué par des troubles. Dès la matinée, des centaines de personnes sortent manifester en bloquant l’axe routier reliant leur arrondissement à celui de Z’mala, provoquant une perturbation du trafic. Les protestataires expriment leur colère contre l’interruption de l’alimentation en eau potable depuis au moins cinq mois. La tension a atteint son comble dans ce quartier marginalisé et privé de nombreuses commodités. Quelques jours auparavant, les habitants de Kechida, dans la banlieue de Batna, et ceux de Merouana, à 40 km à l’est du chef-lieu de wilaya, ont manifesté aussi de la même manière. Même si les violentes émeutes du logement qui ont secoué la ville de N’gaous remontent à trois semaines, il ne se passe pas un jour sans que la wilaya enregistre des manifestations devenues endémiques. Nouri N.
– Biskra : Les habitants de Branis, située à 20 km au nord de Biskra, ont paralysé mercredi la circulation sur la RN87 en dressant des pneus, des pierres et des troncs d’arbres auxquels ils ont mis le feu à l’entrée sud du village. Ce mouvement de protestation fait suite à une énième coupure du courant électrique survenue la veille. Autre cause à la colère des habitants de Branis, les nuisances causées par les poids lourds qui traversent du soir au matin le village, alimentant en argile brute les briqueteries de la wilaya à partir des mines d’extraction de Taref. H. M.
– Ouargla : Le Comité national de défense des droits des chômeurs appellera à un grand rassemblement à la rentrée au palais d’El Mouradia, à Alger.
– El Oued : En plus des coupures d’électricité et de la canicule, les habitants de la wilaya ont manifesté pour dénoncer la pénurie de pain et d’eau. Mih Ouensa (à 26 km d’El Oued), Djamaâ (à 140 km) Kouinine (à 6 km) et Hassani Abdelkerim (à 10 km), et d’autres quartiers de la commune du chef-lieu de wilaya, ont rejoint le mouvement de protestation contre les coupures d’électricité à El Oued. Dans la nuit de mardi à mercredi, des milliers de manifestants sont sortis dans la rue pour dénoncer les coupures de courant en fermant les routes nationales à l’aide de pneus brûlés, de troncs d’arbres et de blocs de pierre. La contestation continue, relançant celle des communes de Hassi Khalifa, Tagzout, Bayadha et Robbah, lesquelles avaient été le théâtre, dans la nuit de lundi à mardi, de violentes émeutes «d’électricité». Des structures publiques ont été saccagées et d’autres incendiées. Des affrontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les manifestants, dans lesquels 14 policiers ont été blessés et 18 manifestants arrêtés. Youcef Rezzag Salem
– Est : Ces dix derniers jours ont été houleux dans différentes wilayas de l’est du pays. La grogne populaire s’est manifestée contre le chômage, les coupures d’électricité, les pénuries d’eau, les listes des bénéficiaires de logements sociaux… La semaine dernière, les habitants de Ouled Djellal, excédés par des coupures d’électricité, ont mis le feu au siège de Sonelgaz après avoir blessé deux agents de sécurité et brûlé onze véhicules. A Souk Ahras, la distribution de logements, qui s’est faite par voie de presse, a généré une violence sans précédent. Des jeunes se sont automutilés à l’abdomen et au cou avec des objets tranchants en pleine rue, devant une foule médusée. F. H.
Lu pour vous dans EL WATAN
le 22.07.11
Mourad Ouchichi. Docteur en sociologie politique
«Si le régime en place continue son jeu malsain, l’explosion sera inévitable»
Nous assistons ces dernières semaines à un phénomène nouveau : les citoyens sont passés à un nouveau stade de contestation, il s’agit de l’agression physique des agents de l’administration. Comment expliquez-vous ces comportements ?
La crise du lien social est profonde en Algérie. Elle se manifeste par la violence qui n’épargne pratiquement aucune sphère sociale : la famille, l’école, l’entreprise, l’université, etc. Nous vivons dans un contexte de blocage volontaire de la formation de l’Etat et de la formation des classes sociales sans aucun accompagnement politique. Cette généralisation de la violence – au point de s’ériger en mode de protestation privilégié – est surtout visible dans le champ politique, plus explicitement dans les rapports entre le citoyen et l’administration. Elle est un résultat direct du blocage politique dans lequel se retrouve le pays ; d’un côté, il y a la société qui exprime un profond désir de changement et d’un autre, un régime politique sclérosé, totalement discrédité mais qui continue de ruser pour durer. Cette situation est d’autant plus complexe quand on sait que les canaux de dialogue et d’intermédiation entre les gouverneurs et les gouvernés sont complètement absents. Résultat : le sentiment de la hogra – injustice doublée du mépris – est ressenti à tous les niveaux de la société. La réaction à ce sentiment trouvera, tôt au tard, sa forme d’expression politique, si ce n’est déjà fait comme vous venez de le constater à travers la violence qui devient désormais physique contre les agents de l’administration.
– Le front social bouillonne depuis janvier dernier. Et ce, malgré les augmentations de salaires et les mesures prises par le gouvernement pour justement «apaiser les esprits», selon les termes du Premier ministre. Pourquoi donc ce mécontentement général ? Les Algériens sont-ils aussi méfiants vis-à-vis du gouvernement ?
Les Algériens ne sont pas uniquement méfiants envers le gouvernement. Ils sont majoritairement en rupture totale avec le système politique qui leur a été imposé depuis l’indépendance du pays en 1962. Les Algériens ne ressentent en profondeur que l’indépendance, chèrement acquise par une guerre de Libération particulièrement meurtrière face à la colonisation, leur a été confisquée. A ce propos, il est impressionnant de constater que ce sentiment n’est pas uniquement présent chez ceux qui ont vécu de près la guerre de Libération ou parmi la première génération de l’indépendance, mais même chez les plus jeunes. La mémoire collective algérienne a finalement pris le dessus sur tous les mensonges d’Etat, véhiculés notamment par les médias officiels, la mosquée, l’école et l’université. Les Abane, Boudiaf, Aït Ahmed, pour ne citer que ceux-là – longtemps bannis de l’histoire officielle – deviennent des idoles, objet de recherche et de curiosité. Il faut voir ce qui s’écrit quotidiennement sur les sites internet, les blogs ou les réseaux sociaux. Finalement, les Algériens, notamment la jeunesse, ne sont pas si inconscients que ce que la propagande veut nous faire croire. Le vent du changement a soufflé et désormais aucune «exception» ne peut l’arrêter. Le système en place peut gagner du temps, donner l’impression de se consolider, de se faire accepter par la société, mais rien ne pourra arrêter la marche de l’histoire. Le mécontentement généralisé et radical des pans de plus en plus importants de la société en est une preuve tangible. Reste la forme d’organisation efficace pour renverser le rapport de force entre les partisans du changement et les «obligés» du statu quo. Ce sera l’œuvre du temps et des expériences. Ce serait faire preuve d’une méconnaissance profonde de la mécanique des mouvements sociaux que de croire que la contestation sociale en Algérie se contentera éternellement des revendications salariales et/ou du logement. Les recompositions se produisent à tous les niveaux, même si ce processus va prendre des formes inattendues et peut-être un peu plus du temps que ce que l’on croit.
– Avec une telle configuration sociopolitique, la rentrée sociale s’annonce explosive…
Il est difficile de prédire une date précise des explosions sociales. Ces dernières ont ceci de particulier : elles sont imprévisibles et dans le fond et dans la forme. Un fait divers peut basculer toutes les certitudes et l’ordre établi. En outre, la réunion de tous les ingrédients de révolte peut ne donner naissance qu’à de piètres mouvements. Les laboratoires des services secrets du monde entier rêvent de pouvoir effectuer des études précises des changements futurs de la société. Ils arrivent rarement à des résultats assez bons. En ce qui concerne le cas de l’Algérie, si le régime en place continue son jeu malsain fait de manipulation, de répression et de corruption pour gagner du temps, l’explosion sera inévitable et elle prendra des formes de plus en plus violentes. Quand ? Personne ne peut le dire. En revanche, il est clair que la rentrée sociale sera agitée et nous assisterons à la manifestation de catégories sociales jusque là insoupçonnées. Seule solution, il est temps que les véritables patriotes, quels que soient leur position sociale et leur penchant politique, se reconnaissent, communiquent et se réunissent en vue de se constituer en alternative pour éviter le chaos annoncé.
Zouheir Aït Mouhoub