Lu pour vous dans EL WATAN
le 12.03.14
Le mouvement s’oppose à tout le système et ses tentacules
Barakat présente son texte fondateur
Barakat dénonce la campagne de lynchage et de dénigrement dont il fait l’objet en rappelant que les ennemis de «la nation se trouvent au sein du système».
Barakat a rendu public, hier, le texte fondateur du mouvement. «Barakat au système, à ses hommes, ses pratiques et ses méthodes», peut-on lire en introduction. Si le mouvement a affiché, dès le début, ses grands axes, il est devenu nécessaire pour ses membres de clarifier les positions, les visions et ce que le mouvement propose comme alternative à long terme. Les sit-in du mouvement Barakat ont été organisés pour «s’opposer au système, à la police politique et au mandat de la honte», insistent ses militants. Ils ont maintes fois souligné qu’ils ne soutiennent aucun candidat à la présidentielle. Ils déclarent également que chaque membre de Barakat laisse à la marge sa couleur partisane. Sur un autre point, le mouvement dénonce la campagne de lynchage et de dénigrement dont il fait l’objet, en rappelant que les ennemis de «la nation se trouvent au sein du système». Le texte ainsi présenté est une charte pour donner une identité.
Une plateforme détaillée sera publiée prochainement pour expliquer point par point les revendications. Barakat indique qu’il est «né dans un contexte spécifique, dominé par les luttes qui tendent à imposer la continuité d’un système dépassé comme seule alternative possible, en le légitimant par une élection inscrite dans un processus qui a atteint ses limites». Il refuse ainsi «de s’inscrire dans cette logique suicidaire et rejette le 4e mandat, ainsi que l’élection présidentielle prévue pour le 17 avril, qui représente un affront supplémentaire aux citoyennes et aux citoyens». Selon ce mouvement, «ces élections ne peuvent être la réponse idoine aux aspirations du peuple et ne peuvent constituer, en aucun cas, la solution aux crises cycliques que vit l’Algérie depuis 1962».
Dans le texte fondateur, Barakat se définit comme «un mouvement national citoyen pacifique, autonome et non partisan, qui milite pour l’instauration de la démocratie et d’un Etat de droit et de justice en Algérie». «Barakat est un cadre rassembleur qui tend à faire converger toutes les luttes exprimant les revendications légitimes du peuple algérien au changement pacifique du système actuel», est-il souligné. En guise d’alternative, le mouvement propose «l’établissement d’une période de transition gérée par les forces vives et saines de la nation, dont l’objectif est d’instaurer une deuxième République afin d’en finir avec les 52 ans de marginalisation du peuple algérien». Par ailleurs, le mouvement Barakat se veut «une force de proposition et d’action autour d’une solution politique pacifique et civile consensuelle à la crise structurelle occasionnée par le système anachronique». Pour expliquer sa démarche, Barakat indique que «ses méthodes d’action sont la manifestation pacifique, l’argumentation rationnelle et le dialogue sérieux et constructif avec tous les acteurs politiques où qu’ils se trouvent, et qui partagent le même projet de société et œuvrent à sa réalisation». Le mouvement précise qu’il exclut «toute forme de violence».
Enfin, le souhait de Barakat est «l’instauration d’un véritable Etat de droit moderne doté d’une Constitution fondée sur les valeurs positives de la société et les principes universels de liberté, dans un cadre démocratique, une Constitution qui consacre la citoyenneté et l’algérianité dans toute sa diversité culturelle, linguistique et civilisationnelle, une Constitution qui garantit et défend toutes les libertés individuelles et collectives, l’égalité entre citoyennes et citoyens sur un pied d’égalité, un Etat civil de droit basé sur la justice sociale, la tolérance et le vivre-ensemble, une Constitution qui assure la séparation absolue des pouvoirs législatif, exécutif et juridique». Barakat rappelle qu’il demeure «attaché au caractère républicain de notre Etat». Le mouvement déclare être un «défenseur du projet démocratique et moderne de notre pays».
Salah Gharbi
Des Algériens de Montréal où vit la majorité de la communauté au Canada ont lancé le mouvement Barakat Montréal qui s’inspire de son alter ego national. Un appel a été lancé sur les médias sociaux pour une rencontre-débat le vendredi 7 mars à 19:00 dans une salle de la métropole canadienne.
Ayant laissé de côté leur appartenance politique, les membres du groupe affirment que la rencontre est ouverte à tout le monde. « Tous ceux qui veulent en finir avec l’Etat-DRS et qui veulent rendre l’Etat à la nation sont les bienvenus», explique un membre du groupe, Zahir Madi, ancien sympathisant du FFS et qui se définit sans attache partisane particulière.
Salah Gharbi
Lu pour vous dans EL WATAN
le 05.03.14
«Si Taleb Abderrahmane, cet étudiant et militant nationaliste guillotiné le 24 avril 1958 à la prison Barberousse, a donné sa vie, c’est pour que l’étudiant d’aujourd’hui, l’étudiant de l’Algérie indépendante, puisse vivre dignement, et non comme un citoyen de second collège.» C’est là le cri du cœur de Hillel Meddi, universitaire, traducteur et interprète.
Ayant pris part aux manifestations contre la candidature de Abdelaziz Bouteflika menées par le mouvement Barakat («ça suffit», ndlr), Hillel Meddi explique : «C’est d’une manière spontanée qu’on a tous uni nos forces autour de ce mouvement», ajoutant que le choix de l’université comme lieu de protestation n’est pas fortuit. «Pourquoi l’université ? Parce que c’est un lieu de savoir, de recherche, un lieu où jaillissent les idées.»
En effet, si la première manifestation menée par le docteur Amira Bouraoui le 22 février a eu lieu près de l’Université de Bouzaréah, celle de samedi dernier s’est tenue près de la Fac centrale d’Alger. Idem pour la manifestation prévue pour demain, 6 mars. Le temps est donc venu de redorer le blason de l’université algérienne ? C’est ce que souhaitent nombre de ces étudiants qui sont sortis exprimer leur colère contre la candidature à la prochaine élection présidentielle du Président en place. «Il est temps que les étudiants prennent en main leur avenir. Déjà que l’université algérienne survit difficilement aux différentes politiques de gestion, plus chaotiques les unes que les autres, un quatrième mandat de Bouteflika la mènera à coup sûr droit au gouffre», interpelle Yacine, un jeune étudiant en sociologie.
Pour Hillel Meddi, «l’université est, de par l’histoire, le lieu de naissance de nombreux mouvements de libération et d’émancipation», entre autres «la grève du 19 mai 1956» qui a été décidée à Alger et suivie en masse par les étudiants, ainsi que le mouvement mené par les étudiants chinois qui ont occupé la place Tian’anmen entre le 15 avril 1989 et le 4 juin 1989 pour dénoncer la corruption et demander des réformes politiques et démocratiques. L’université qui, comme le dit si bien Hillel Meddi, «est un lieu de recherche de la vérité», est donc sollicitée, voir même ciblée par les activistes du mouvement Barakat.
«Barakat, c’est aussi barakat à la fuite programmée de nos cerveaux, barakat au massacre de l’université, barakat à la marginalisation des étudiants», clame Samir, étudiant en sciences politiques à l’Université d’Alger. Revenant à la manifestation de samedi dernier et comme pour démontrer la peur du pouvoir en place de la masse estudiantine, Hillel Meddi rapporte que les étudiants de la Fac centrale «ont été empêchés ce jour-là de sortir de leur campus et de participer au mouvement de protestation contre une énième injustice. Il y avait beaucoup de policiers à l’intérieur de la Fac. Leurs véhicules étaient garés à l’intérieur même de l’enceinte universitaire, ce qui en soi n’est pas normal» et constitue une violation des franchises universitaires.
Concernant l’implication des étudiants dans la politique, Hillel Meddi rétorque : «Si la majorité des étudiants algériens n’ont pas de conscience politique, c’est le moment de l’avoir. Quant à moi, je leur demande d’avoir simplement une conscience». Urgemment car «ce n’est pas par hasard si l’Université algérienne est sinistrée. Depuis 15 ans, les réformes se succèdent et s’amoncellent sans résultat concret». Une situation qui, rappelons-le, a poussé les étudiants à sortir dans la rue, en 2011 et 2012, pour exprimer leur ras-le-bol, se faisant ensuite tabasser par les forces de l’ordre. Mais pas que cela. «Depuis 15 ans aussi, l’on assiste à une succession de charcutage de l’Université algérienne afin de la diviser en plusieurs structures avec plusieurs administrations, plusieurs doyens, plusieurs recteurs… ce qui rend la bureaucratie encore plus lourde. Certes, il y a eu la construction de nouvelles structures, de nouveaux pôles universitaires. C’est bien. Mais il serait bien aussi de remplir ces structures avec de vrais enseignants, soucieux de l’avenir de l’Algérie, avec des étudiants qui veulent s’instruire et se construire», souligne Hillel Meddi.
A la fin, comme excédé par un trop plein d’injustices, il ajoute : «Je dirais aux étudiants d’aujourd’hui qu’ils sont les gestionnaires de demain. Ce qui se passe actuellement, et ce qui se passera avec un 4e mandat, c’est une tentative pour qu’il n’y ait personne demain.» L’Université algérienne répondra-t-elle à l’appel ? Saura-t-elle se repositionner et retrouver la place qui lui revient de droit, elle qui est la locomotive de la nation ?
Meriem Sadat