Après les discours et les silences du Président de la République française durant sa visite en Algérie le sujet est toujours d’importance : distinguer les côtés négatifs et les côtés positifs de la présence française en Algérie et ouvrir aux historiens toutes les archives de part et d’autre de la Méditerranée pour qu’ils puissent faire la lumière sur tous les événements du passé.
Merci donc à Maurice Faivre pour les informations historiques dûment référencées reprises ci-dessous, le commentaire qu’il y ajoute étant naturellement sous sa seule responsabilité.
Assurément le colonialisme a été et reste par essence un système destructeur parce qu’il ne respecte pas la dignité du colonisé, qu’il ne s’embarrasse ni de justice ni de vérité et que , comme tout système , il justifie ses moyens par sa fin.
Mais la présence française dans les outre-mers a largement contribué par l’action,le travail ou le talent de ses représentants à la mise en valeur et au développement des richesses naturelles de ces pays et au mieux-être de leurs populations.
Et quand ces représentants de la société civile française ont su impliquer les autochtones dans leurs actions et en faire de véritables partenaires d’une entreprise commune ils ont jeté les bases et créé le désir d’une démocratie qui, adaptée à chaque pays, aurait pu depuis longtemps, s’y installer si les différents états ne poursuivaient pas avant tout des objectifs stratégiques.
Puisque les états continuent de poursuivre ces objectifs essentiellement matérialistes c’est donc à nous, membres de la société civile , de multiplier les partenariats grâce aux relations privilégiées que constitue ce passé commun même si , à des moments différents pour les uns et pour les autres , il a été particulièrement douloureux…
Et ces entreprises communes ne pourront se développer pour le plus grand bien de tous que si l’effort de reconnaissance de tous les malheurs du passé est également partagé par tous.
Eveline Caduc
Communication de Maurice Faivre:
Objet : Présences françaises outremer
Réflexion sur une loi inique.
La loi du 23 février 2005 continue de faire l’objet de commentaires négatifs.
Des historiens médiatisés ont critiqué l’article 4 de cette loi,
par le fait qu’il reconnaît le rôle positif de la colonisation française.
Or cet énoncé est faux, le texte original parle de présence française et non de colonisation.
Les autorités politiques ont suivi et fait abroger l’article 4 par le Conseil constitutionnel.
Le condamnation du Conseil constitutionnel n’est cependant justifiée
que par le fait qu’il n’appartient pas à l’Etat de dire la vérité historique.
Maurice Faivre, le 22 décembre 2012.
65 experts, consultés par l’Académie des sciences d’outremer,
se sont penchés sur le sujet depuis six ans et ont publié une étude fouillée (1800 pages en 2 tomes)
sur les présences françaises outremer depuis le 16° siècle (recension et premières de couverture jointes).
Ils ont ainsi étudié le rôle des Français dans tous les continents extérieurs à l’Europe.
A côté et dans la colonisation, des quantités de voyageurs, commerçants, naturalistes, médecins,
scientifiques, archéologues, missionnaires, écrivains, artistes, ont oeuvré non seulement en Afrique,
mais en Amérique du Nord et du Sud, en Asie, en Océanie et dans les terres australes et antarctiques.
L’Académie des sciences d’outremer met leur rôle en lumière.
En limitant l’inventaire à l’Afrique du Nord, on observe – dès 1520 les pêcheurs de corail à la Calle,
– les attaques des marins français contre les ports des pirates barbaresques – les commerçants marseillais à Alger.
Une autre présence, douloureuse, est celle des milliers de captifs français dans les bagnes maghrébins;
dans les préfectures apostoliques créées en 1624, des religieux lazaristes, mercédaires et trinitaires
s’emploient à secourir ou à racheter les esclaves chrétiens.
Au début du 19° siècle, des naturalistes créent un jardin d’essai à Alger, des officiers reconnaissent
les côtes d’Algérie et du Maroc, avant que Charles de Foucauld ne découvre le Maroc profond.
De 1830 à 1850 des géologues découvrent les richesses minérales et les phosphates et en établissent la cartographie,
des forestiers régénèrent les forêts algérienne et tunisienne, des archéologues font l’exploration scientifique des ruines romaines
et des gravures rupestres de l’homo sapiens; des vétérinaires sélectionnent les espèces, des médecins militaires créent
l’Assistance médicale des indigènes (ancêtre de l’AMG) et découvrent les causes du paludisme (Laveran).
Parallèlement à l’essor des missions chrétiennes (deux tiers des missionnaires sont Français en 1900),
Lavigerie installe les Pères blancs en 1868, puis Ch.de Foucauld les frères et soeurs de Jésus.
Les peintres Vernet, Delacroix, Renoir, Fromentin sont séduits par les paysages et par les autochtones,
ils seront suivis par Marquet et Matisse. Les Arts islamiques sont mis en valeur ;
la villa Abd el Tiff accueille les artistes régionaux en 1907.
Théophile Gautier, Flaubert, Maupassant, Loti, L.Bertrand font connaître l’Afrique du Nord.
Au 20° siècle, des dizaines de dispensaires et 130 hôpitaux algériens sont ouverts aux musulmans,
des Instituts Pasteur s’installent à Tunis, Alger et Casablanca,
les anthropologues Delavignette, G.Tillion et Servier succèdent à Marcel Mauss et Paul Rivet.
A côté de nombreux officiers, Conrad Killian et Théodore Monod explorent le Sahara.
L’Office de recherche scientifique coloniale, créé en 1943, donne naissance en 1953 à l’ORSTOM, qui devient en 1984
un remarquable Institut de recherche pour le développement en coopération (IRD).
Des revues littéraires (Simoun, Algérianiste) et des éditeurs (Présence africaine) font connaître les écrivains locaux.
Tout n’est pas dit dans ces deux ouvrages. Ainsi la modernisation de l’infrastructure routière, ferroviaire, portuaire,
aérienne, le développement de l’urbanisme, et les progrès de l’agriculture et de l’économie ne sont pas abordés,
bien qu’il soient hautement revendiqués par les colonisateurs.
La scolarisation n’est pas étudiée, alors qu’elle atteint deux tiers des jeunes algériens en 1961,
et qu’elle décline en 1962 après l’exode des enseignants.
La lecture attentive des deux ouvrages montre à l’évidence que la présence française outremer,
y compris en Afrique du Nord, n’est pas négative; elle a contribué à l’évolution des peuples.
Le condamnation du Conseil constitutionnel n’est cependant justifiée
que par le fait qu’il n’appartient pas à l’Etat de dire la vérité historique.
Maurice Faivre, le 22 décembre 2012.
Recension : Académie des sciences d’outre-mer. Présences françaises outre-mer (XVI°-XXI° siècles) .
Sous la direction de Philippe Bonnichon, Pierre Gény et Jean Nemo
Avant-propos d’Abou Diouf, Préface de Xavier Darcos. 28 pages de cartes et photos.
Tome I. Histoire : périodes et continents, 1188 pages, 60 euros.
Tome II : Science, religion et culture, 600 pages, 60 euros. Asom-Karthala 2012.
Cet ouvrage collectif a été réalisé par une soixantaine d’experts de l’Académie des sciences d’outre-mer, qui en 1957 a succédé à l’Académie coloniale de 1922. Interpellés par la loi du 23 février 2005, qui en soulignait abusivement le rôle positif, ils ont voulu montrer, de façon objective et aussi complète que possible, ce qu’a été l’action des Français, depuis le XVI° siècle, dans les continents autres que l’Europe.
Six ans de recherche et d’échanges ont permis de rédiger ces deux tomes, dont le premier retrace trois périodes historiques : – des grandes découvertes et de l’ouverture des routes maritimes de 1500 à la fin du premier Empire – des colonisations et coopérations outre-mer de 1815 à 1950 – des décolonisations et relations internationales depuis 1950.
Le tome II, de nature thématique, est consacré aux sciences, aux technologies, à la religion et à la culture.
Ces ouvrages ne sont pas une nouvelle histoire de la colonisation. Ils montrent ce qu’a été l’action centralisée de l’Etat français, mais aussi celle des commerçants, des découvreurs et des missionnaires, ainsi que le rayonnement international par le canal de la langue française. L’importance de la culture est mise en lumière par les réflexions de Tocqueville et des Saint-Simoniens, et par les idées nouvelles de mondialisation et de choc des cultures.
Les auteurs espèrent être restés fidèles à la devise de l’Académie : Savoir, Comprendre, Respecter, Aimer.
Maurice Faivre, le 21 novembre 2012